Dr Fabrice LORIN : DOULEUR CHRONIQUE ET PSYCHIATRIE
Dr Fabrice LORIN Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur
CHU de Montpellier f-lorin@chu-montpellier.fr
Cours Faculté de médecine, DIU Prise en charge de la douleur
Heureux les fêlés car ils laissent passer la lumière (Michel Audiard)
INTRODUCTION
La clinique psychiatrique est une permanence dans la
pratique algologique courante. Plus de la moitié des douloureux chroniques présentent une symptomatologie psychiatrique
associée. Cette clinique psychiatrique est classiquement :
* soit secondaire à la douleur
organique (douleur « cum materiae ») entraînant dépression et/ou
anxiété par exemple,
* soit primum movens sans
substratum organique factuel (douleur « sine materiae »).
Ce découpage est néanmoins
plutôt artificiel car la pratique clinique montre d’incessantes interactions
entre douleur chronique et dépression. Les traits de personnalité peuvent être
communs, avec ce « décodage dysphorique » des évènements de la vie.
La neurobiologie montre la prégnance des deux mêmes neurotransmetteurs la
sérotonine et la noradrénaline. Le TEP SCAN nous illustre l’activation de zones
cérébrales très proches incriminées dans la douleur chronique et la dépression
par exemple. L’efficacité antalgique des antidépresseurs et plus
particulièrement des tricycliques n’est plus à démontrer.
La psychanalyse avance que la
douleur chronique peut avoir 3 grandes fonctions dans l’économie psychique :
éviter la dépression et ce sera la « douleur anti souffrance » ,éviter
l’émergence psychotique et enfin la notion de masochisme gardien de vie.
La science défend aussi les bienfaits de la tristesse, elle serait bonne pour la santé car elle aide les personnes à changer leur vie en mieux. Serait-il dangereux de soigner ces épisodes par des médicaments ? Remarquons l'intolérance de la société pour la tristesse causée par la perte d'emploi, la perte d'un proche ou la fin d'une relation amoureuse, et le primat du bonheur personnel au-dessus de tout le reste. Le recours systématique aux médicaments pourrait affecter l'évolution de l'Homme. La dépression aurait permis la survie des espèces depuis des milliers d'années, obligeant l'humain a penser et à changer.
Une mise en garde : le diagnostic psychiatrique ne
doit pas devenir le « diagnostic rebut » , celui que l’on porte
à un patient chez lequel aucune explication somatique de sa pathologie
n’apparaît comme plausible. La psychosomatique a ainsi connu des extensions
quasi délirantes sous la plume de certains pseudo spécialistes…
Alors
commençons plutôt par un panorama rapide de la clinique psychiatrique, un profilage séméiologique:
I LES DEUX GRANDS SYNDROMES
1 Syndrome anxieux
2 Syndrome dépressif
II NEVROSES
1 Névrose d'angoisse
2 Hystérie de conversion
3 Névrose phobique
4 Névrose obsessionnelle
III HYPOCHONDRIE ET ETATS
LIMITES
IV PSYCHOSES CHRONIQUES (rares douleurs chroniques des psychoses aiguës)
1 Psychose dissociative schizophrénique: discordance, délire, autisme
2 Psychoses non dissociatives : Paranoïa, Psychose Hallucinatoire Chronique, Paraphrénies
V PSYCHOPATHIE
VI PERVERSIONS
Les psychoses aigues sont a
priori exclues du champs de la douleur chronique. Cependant reconnaissons la
fréquence des personnalités dépressives
ou hyper thymique/hyperactive rencontrées dans nos consultations.
I LES DEUX GRANDS SYNDROMES
1 Le syndrome anxieux
Angoisse vient du latin angere = serrer , oppresser
4% de la population présentent des TAG , 2 femmes pour 1
homme.
Si la dépression évoque le moteur usé d'une voiture qui
manque d'essence , l'anxiété équivaut à appuyer sur le frein et sur
l'accélérateur en même temps .
Définition : l’ anxiété
est un sentiment pénible d'attente,une peur sans objet d'un danger imprécis et mal
définissable
Anxiété = insécurité
indéfinissable
Angoisse = insécurité indéfinissable + symptômes
physiques de constriction, oppression .
1–1 L’ attente anxieuse ou TAG (Trouble Anxieux Généralisé)
. état d'alerte et de tension
. inquiétude permanente sans objet défini
. soucis quotidiens dramatisés : ‑ repas
à préparer, déplacements
. appréhende le pire pour lui et ses proches
. besoin d'être rassuré
. supporte mal séparations et abandons
1 –2 Attaque de panique ou crise d'angoisse :
une sémiologie riche et variée
. soudaine, la nuit, peur de mourir ou de devenir fou
. patient pâle, haletant,couvert de sueurs,tremblant, tachycardie
. symptômes physiques :
- oppression thoracique, dyspnée
- palpitations, vertiges...
- nausées, brouillard visuel.
Les équivalents somatiques sont polymorphes et trompeurs :
Manifestations cardiovasculaires :
- crise de palpitations
- tachycardies
- lipothymies, malaise
vagal
- précordialgies, pseudo angor
Manifestations respiratoires :
- dyspnée asthmatiforme
- syndrome d'hyper ventilation : crise tétanie par
alcalose d’hyper ventilation
- accès de toux nerveuse
Manifestations digestives :
- crise de hoquet
- spasmes pharyngées (boule à
la gorge)
- barre épigastrique
- éructation anxieuse, colite spasmodique ou
émission de gaz++ (pétomanie anxieuse)
- spasmes douloureux anaux et rectaux : épreintes et ténesme
Manifestations génito-urinaires :
- douleurs abdomino-pelviennes
- cystalgies à urines claires (cf. trac avant un
examen)
- pollakiurie
- inhibition sexuelle
Manifestations neurologiques sensorielles ou musculaires:
- céphalées
- prurit
- lombalgies
- tremblements
- algies posturales
- bourdonnements d'oreilles
- crises vertigineuses
- difficultés à s'endormir, réveils fréquents,
cauchemars.
1-3 Psychopathologie :
Angoisse de castration : névroses
Angoisse de séparation : border line , personnalités dépendante , carencée,
Angoisse de morcellement : psychoses
2 Le syndrome dépressif :
Dans le langage courant revient souvent
l’expression "j'ai fait une dépression". En réalité le syndrome
dépressif renvoie à une clinique précise et qu’il faut savoir repérer.
Diagnostic différentiel
‑ avec la
« déprime » moins intense et de courte durée, de quelques heures à 2
semaines.
‑ La dépression maladie
concerne 15 % des français, soit chaque année 3 millions de personnes. L'OMS prévoit sur la planète qu'en 2020, les troubles psychiatriques essentiellement dépressifs, seront les seconds après les pathologies cardio-vasculaires.
‑ Une nette prédominance féminine, 25% des femmes
feront une dépression dans leur vie mais les décès par suicide sont plus élevés
dans la population masculine.
Très fréquent
en algologie
2‑1 Signes majeurs
* Humeur triste : pessimisme, dégoût du passé, crainte de
l'avenir, baisse du désir, baisse des intérêts (lecture, livres, sorties) ‑
idées de suicide : fuite ou châtiment
* Ralentissement des fonctions psychologiques et motrices
‑ ralentissement du cours de la pensée ‑ diminution de l'attention
(chez les adolescents) ou au travail ‑ diminution de la mobilité
physique: asthénie
2‑2 Signes associés
(1) * insomnie (elle touche
30% de la population)
- d'endormissement
- réveil matinal
(2) * anxiété en augmentation
le matin
(3) * symptomatologies
digestives:
- anorexie
- constipation
(4)* Céphalées et douleurs
erratiques
2‑3 Présentation :
- Faciès figé: triste ,
inexpressif ou torturé
- Attitude générale accablée, résignée
- Pleurs
- Attention à l'aspect paradoxalement désinvolte ou l'air indifférent
2‑4 Les diagnostics
étiologiques
A. Dépressions symptomatiques
de maladies cérébrales et générales
- neurologiques : maladie
de Parkinson, sclérose en plaques, démences vasculaires, tumeurs
temporofrontales
- endocriniennes :
Hypothyroïdie,hypercorticisme (Cushing), insuffisance surrénalienne (iatrogène centrale avec achromie, Addison avec mélanodermie), hyperparathyroïdie avec
hypercalcémie
- Cancers notamment du pancréas, sida
- Déficit en vitamine B12 et/ou folates B9 entraînant une anémie macrocytaire
- Lupus érythémateux disséminé, syndrome sec de Gougerot-Sjögren
- Médicamenteuse : antihypertenseurs B-bloquants, neuroleptiques, interféron, corticoïdes
B. Les dépressions réactionnelles
- relation directe avec un traumatisme psychologique
- deuil
- échec ou réussite
- faillite d'un idéal politique ou religieux
- transplantation
C. Les dépressions névrotiques
souvent à la suite d'expériences vitales frustrantes et dévalorisantes
- Hystérie : asthénie et angoisse
- Obsession : auto dépréciation et culpabilité
D. Les dépressions
mélancoliques : le risque suicidaire est majeur
- dans les troubles bipolaires : accès
maniaque et dépressif
- mélancolie d'involution : 50 ans chez les femmes : plaintes hypochondriaques
60 ans chez les hommes : idées délirantes de culpabilité, préjudice évolution prolongé, rechutes fréquentes obsessionnelle
ou psychasthénique.
II LES NÉVROSES
1 .Névroses d'angoisse :
Trouble Anxieux Généralisé +
attaque de panique sans objet. En algologie nous retrouvons souvent la
personnalité anxieuse dans l'algie
vasculaire de la face (AVF), et dans nombre de pathologies musculo-squelettiques, dans la fibromyalgie, l’anxiété s’exprimant sous forme de
contractures musculaires plurifocales, à prédominance para-rachidiennes
et cervicales. Citons les « cordes des trapèzes ».
2. Hystérie
L'hystérie est une pathologie passionnante qui
a participé à l'élaboration de la clinique neurologique au XIXème siècle par
Charcot puis son élève Babinski. C’est une pathologie changeante, dans l'air du
temps et toujours à la pointe des zones d'ombre de la médecine ; actuellement,
la question se pose pour la fibromyalgie.
« Dans les années 70
j’étais spasmophile. Maintenant j’ai 54 ans et je suis fibromyalgique »
L'Hystérique peut faire ce qu'on appelle une conversion somatique ou une
conversation somatique car le symptôme de l'Hystérique est langage (cf.
Élisabeth D des études sur l’hystérie de Freud).
L’hystérique aura une cécité
pour oublier ce qu'elle a vu , une
dorsalgie pour dire qu’elle en a plein le dos , une aphonie pour taire un
message censuré.
Par extension , la
conversation symbolique de l’hystérique a infiltré la théorie psychosomatique avec un abus
dogmatique patent ; ainsi entend-on des interprétations plus que
fantaisistes de nombre de pathologies et notamment dans les cancers dits
« symboliques » : sein, utérus , testicules…
La conversion somatique peut
prendre de multiples visages, nous y reviendrons
‑ crises convulsives,
paralysies, spasmophilie, amnésie, anesthésie ou hypoesthésie, douleurs,
céphalées, cécité.
Le diagnostic repose sur trois
éléments importants :
absence de lésion, bien qu'à la suite d'une
paralysie hystérique durable, des lésions secondaires surviennent comme
l'algodystrophie, les escarres...
Personnalité hystérique ou
histrionique: les symptômes
1 Séduction, érotisation de la relation
2 Théâtralisme
3 Suggestibilité, plasticité, sensible à l'hypnose (Babinski)
4 Perturbations des conduites sexuelles: éviction, hyper expressivité, messalinisme
et nymphomanie, Donjuanisme ou casanovisme, rêveries amoureuses
(feuilletons TV américain, homme croisé dans la rue)
5 Infantilisme: tenues vestimentaires, peluches, discours : attrait pour animaux, s'habiller comme sa fille, peur
de vieillir
6 Mythomanie: fabulations imaginaires, tout le monde intérieur de l'hystérique est rempli d'imaginaire
La conversion hystérique : pour FREUD, la conversion est le saut du psychisme
dans l'innervation somatique. Elle emprunte certains de ses traits à des signes
de lésions organiques citons :
* les accidents
paroxystiques :
1- attaques d'hystérie: la grande crise à la CHARCOT (forme actuelle tétanie/spasmophilie)
2- crises convulsives, tétanie, diagnostic différentiel avec l'épilepsie
3- syncopes, là où le regard d'autrui est présent (foule, cinéma, théâtre, rue, grandes surfaces)...
4- léthargie: la belle au bois dormant
*Les troubles durables ou
permanents :
1- amnésie
2- paralysies, astasie/abasie
3- anesthésies ne suivant pas les zones d'innervation des racines nerveuses
4- hyperesthésie, par exemple douleur de tout un hémicorps (en l'absence de pathologie intracrânienne et
notamment thalamique
5- troubles sensoriels : cécité, brouillard visuel, aphonie (transitoire chez la femme, plus massif chronique chez l'homme), surdité Hystérique de
guerre et standardiste
Les algies hystériques peuvent
intéresser n'importe quelle partie du corps. Sans substratum organique, elles
résistent à tous les antalgiques et sédatifs habituels. Les céphalées sont
actuellement si fréquentes, embarrassant le praticien qu'il faut se demander si
elles ne sont pas la forme la plus moderne de la maladie.
Leur description est
impossible, car il y a autant de formes que de patients. Elles surviennent
seules ou avec cortège d'autres symptômes. Elles se résument en une plainte
qu'ici encore, entraîne le refus ou l'espacement des relations sexuelles. C'est
le célèbre "pas ce soir chéri, tu sais que j'ai la migraine". Certains hommes ont trouvé une parade et proposent à titre préventif à leur compagne, du paracétamol, le soir...Tiens chérie, si tu as mal! Non merci ça va...Alors tout va bien. A ce
titre, citons les spasmes de la sphère anale, sphère urinaire, sphère génitale
(vaginisme, dyspareunie).
Dans les formes sévères , nous
trouvons une existence , une identité entièrement structurées autour de la
plainte douloureuse. Nous la nommons Lamentum doloris.
L'Hystérie est trois fois plus fréquente chez la femme que chez l'homme. Chez l'homme, les symptômes moteurs
sont plus fréquents. Les circonstances étiologiques diffèrent
- femme : suite à des conflits
affectifs et sexuels
- homme: suite à des conflits socioprofessionnels, accident
du travail , guerre (hystérie de guerre)
Chez l'homme, le Donjuanisme cache toujours l'impuissance et nous avons traité quelques cas de céphalée per-orgasmique ou post-orgasmique chez les messieurs. L'homme développe alors une stratégie d’évitement des rapports sexuels.
3. Névrose phobique
Relativement proche de
l'hystérie, on parlait autrefois d'hystérie d'angoisse, Freud disait que la
phobie est une hystérie ratée.
Effectivement dans les
fantasmes phobiques, s’exprime souvent un imaginaire théâtral ou exhibitionniste. Le phobique
rougit facilement, mais à la différence de l'hystérique qui sera au milieu de
la foule pour réaliser son accident de conversion, le phobique rasera les murs,
loin de la foule.
L’attaque de panique est
déclenchée par un objet (araignée, souris, plume...) par des situations n'ayant
pas en elles même un caractère dangereux.
La phobie disparaît en dehors
de l'objet ou de la situation et entraîne des stratégies d'évitement.
La phobie passagère est un
symptôme très fréquent comme le trac aux examens, monter sur une scène, et se rapproche de
l’angoisse de performance .
Le philosophe Blaise PASCAL
disait : " l'immensité des espaces infinis m'effraie", agoraphobe, il
souffrait également d’une phobie à la traversée des ponts de Paris : il se
cramponnait du côté gauche de sa calèche de peur de chuter par la portière côté
droit, chuter du pont dans l'eau de la seine..
Les phobies:
Agoraphobie :
Surtout fréquente chez la
femme
Elle concerne les espaces découverts : supermarché , place publique, plage
Elle est souvent associée à la claustrophobie et entraîne une attaque de panique
en situation. L’agoraphobe développe une stratégie d’évitement jusqu’à ne plus
sortir de son domicile !
Lorsqu’il sort , il emprunte toujours le même trajet sur lequel des abris imaginaires sont repérés
Pour se réassurer, il va en compagnie d'un proche, d'un chien en laisse, d'une canne...
Phobies sociales :
13% de la population
C’est la peur de parler,de paraître en public ,la peur de manger en public (peur de vomir). L’éreutophobie en est une variante: peur de rougir en public (lunettes noires, grande écharpe, se dissimuler dernière le journal) ; crainte qu'une faute plus ou moins sexuelle se lise sur le visage.
Phobies d'animaux: oiseaux, araignées, souris, chiens...
Elles sont un reliquat des phobies infantiles.
Autres phobies spécifiques :
Phobie des hauteurs(vertigo): étage élevé, peur et attirance vers le vide
Phobie des transports: avion, train, bateau.
Claustrophobie : métro, ascenseur, autoroute , cave, tente de camping, tunnel, grotte, cinéma, théâtre, amphithéâtre. Le phobique s'assoit près de la sortie pour fuir à tout moment
Phobies d'impulsion:
Peur de se défenestrer, de se jeter sous l'autobus ou sous un train, peur de jeter le bébé par la fenêtre ou
le laisser tomber par terre (symptômes fréquents du Baby Blues en post-partum).
Nosophobie : celle que l'on rencontre le plus fréquemment en algologie. A partir d'une zone douloureuse
aiguë ou chronique, le malade développe une peur des maladies graves : cancer, infarctus du myocarde, Sida. Le phobique
demande au médecin algologue de le rassurer. Nous sommes aux confins de l’hypochondrie.
Algophobie : peur de la
douleur
Caractère phobique
Moins bien connu que les caractères
hystériques ou obsessionnels. La classification DSM 4 évoque la
« personnalité évitante » caractérisée par un état d'alerte fréquent
: le phobique a horreur des situations mal définies, mal perçues où ils
pressent l'approche d'un danger. II a peur de l'obscurité des clairs obscurs
extérieurs et non pour lui même. Il adopte le parti pris de la fuite (éloge de
la fuite ?) soit attitude passive, d'inhibition, avec refus de tout contact,
soit comportement de défi avec fuite en avant: il cherche les performances
professionnelles et s'attaque à ce qu'il
y a de plus difficile.
Le phobique peut avoir un
comportement de sur occupation (ne pas rester inoccupé une minute) et cela peut
aboutir à des occupations dépourvues de sens apparent comme : écoute permanente
de la radio, lecture de tous les imprimés, publicités, journaux... (A noter
aussi : peur de l'engagement professionnel, mariage, maternité ou paternité).
Cas : patiente professeur
d'anglais, venue consulter pour céphalées. Elle enseignait par correspondance
(évitement) car elle avait phobie des conseils de classe, et plus précisément
du contact avec les parents d'élèves, rappelant sa propre situation d'enfant
vis à vis d'un parent. Schéma psychopathologique :
CLAUSTROPHOBIE / INTERIEUR
Déplacement entre ces
deux espaces
AGORAPHOBIE / EXTERIEUR
4. Névrose obsessionnelle
C'est la survenue d'obsessions
et de compulsions sur une organisation de la personnalité obsessionnelle.
Les obsessions ou Troubles
Obsessionnels Compulsifs (TOC).
Il y a irruption d'une pensée
apparaissant au malade comme un phénomène morbide en désaccord avec sa pensée
consciente. Cette pensée peut être un sentiment, une idée, une tendance.
Quelques exemples :
1‑ Les obsessions
idéatives :
autrefois "folie du doute"
* sur des mots
* chiffres : calculs interminables (recalcule ses impôts, factures, comptes bancaires...) ou
arithmomanie. Emile ZOLA comptait dans la rue les becs de gaz, les numéros de
porte, les numéros de fiacre dont il additionnait tous les chiffres comme des
unités. Les multiples de 3 puis de 7 étaient favorables. Mais 17 était défavorable. IL fut renversé par un fiacre dont l’addition des chiffres était
17.
* sujets métaphysiques : la vie et la mort, l'existence de Dieu, l'infini...
2‑ Les vérifications
multiples
comme fermer la porte 5 à 6 fois, revenir en arrière, vérifier le gaz, taper
trois fois les pieds sur le paillasson.
3‑ Les obsessions
impulsions :
le patient est assiégé par l'idée de commettre un acte absurde , ridicule,
immorale comme prononcer des phrases sacrilèges dans une église ou des propos
scatologiques au milieu d'une conversation de salon...
Pour lutter l’obsessionnel
utilise des rituels conjuratoires de lavage , d’habillement etc.
La personnalité obsessionnelle
est un caractère bien structuré et se repère facilement :
1 Goût de l'ordre et de la propreté
2 Ponctualité rigoureuse
3 Perfectionnisme
4 Fidélité aux engagements, sens du devoir (l'obsessionnel fait un excellent second dans une entreprise, un service
hospitalier)
5 Sens de l'économie (mesquinerie, avarice, provisions, collections)
6 Intellectualisation et recherche du mot exact : froideur, sécheresse, impassibilité qui contraste avec la chaleur le
protéisme et les démonstrations débordantes de l'hystérique.
En algologie : nous constatons classiquement les associations entre migraine et personnalité obsessionnelle ou
encore douleurs anales ,colopathie, douleurs abdominales et traits obsessionnels.
Pour résumer les deux structures princeps de la névrose, l’érotisation du corps est à
l’hystérique ce que l’érotisation de la pensée est à l’obsessionnel.
La cigale hystérique et la fourmi obsessionnelle.
III HYPOCONDRIE ET BORDER LINE
1 le syndrome hypocondriaque
La santé, c'est le silence des organes. Mais ce silence peut inquiéter. Dans Hanna et ses sœurs de Woody Allen, le docteur lui certifie qu’il n’a rien: « Oui mais un jour j’aurai quelque chose ! ». L'hypocondrie réalise une
syndrome qui se manifeste sous deux aspects ‑ une perception illusoire
d'un trouble organique ‑ une préoccupation corporelle qui s'impose à
l'esprit de façon rappelée et incoercible.
Tous les stades existent de
l'idée hypocondriaque anodine et transitoire chez l’étudiant en médecine ou
élève infirmière au délire hypocondriaque psychotique.
L’hypocondrie autrefois
brocardée par Molière dans Le Malade Imaginaire, est un syndrome de plus en plus fréquent dans
nos sociétés occidentales.
Le discours intéresse
essentiellement les zones corporelles profondes dont le fonctionnement est
observé avec minutie. L'appareil digestif est privilégié. En fait, c'est le
champ corporel non accessible qui est en cause. Le vocabulaire employé est médical,
riche, imagé et métaphorique à l'inverse du sujet psychosomatique d'après MARTY
(la pensée opératoire est synonyme de pauvreté fantasmatique et désertification
imaginaire,le fonctionnement étant « coupé » de l’inconscient).
La ligne platonicienne peut illustrer ce continuum entre la pensée
concrète, simple et opératoire du psychosomatique d’une part et la pensée philosophique pure, très
abstraite de l'obsesssionnel à l’autre extrémité.
Les algies diverses
accompagnent ces symptômes: douleurs rachidiennes, céphalées, spasmes
douloureux...
A la différence de l'Hystérie
qui séduit et investit la relation médecin/malade d'une charge affective
importante, l'Hypochondriaque est un monologue adressé aux uns et aux autres en
toute occasion.
L'Hypocondriaque peut être au
sein de son milieu habituel un tyran familial, imposant aux autres de vivre au
rythme de l'observation excessive qu'il fait de lui-même. Le philosophe KANT se
levait chaque matin à sept heures précise, faisait sa promenade quotidienne à
Königsberg à savoir dix allers-retours de
l’allée principale , exigeait de son domestique une température
constante de 14 ° C dans sa maison et craignait les méfaits de l'électricité...
Il faut bien sur savoir
éliminer une cause organique, mais ne pas sombrer dans une collaboration quasi
délirante dans la relation médecin/malade Hypocondriaque. Si on rencontre
l'hypocondrie dans les névroses , notamment la névrose obsessionnelle,
certains cliniciens pensent que l'hypocondrie est fréquemment une ultime
défense pour des sujets prépsychotiques ou borderline. La plainte hypocondriaque
partiellement rattachée à la réalité, est un rempart à l'irruption délirante,
voire hallucinatoire. de même la « douleur anti souffrance » est un
rempart contre la dépression.
Diagnostic Différentiel entre
HYSTERIE et HYPOCONDRIE
Hystérie et Hypochondrie ont
en commun l'antiquité de leur dénomination. Cette remarque n'est pas à
minimiser car les deux syndromes ont des contiguïtés:
‑symptomatologie
somatique
‑ la partenaire est le
médecin
‑ le mode spécifique
d'invalidité.
(1) Présence et absence du
corps
1‑1 Présence du corps
chez l'hystérie.
Le corps est théâtralement
présent, attirant le regard par des manifestations spectaculaires. C'est un
corps offert tout entier à la prise de l'autre, visant à séduire. L'Hystérie
doit taire son message et le symptôme de conversion est l'écriture du message
sur le corps.
1‑2 Absence du corps
chez l'hypocondriaque.
Le corps n'est pas mis en
scène dans son intégralité. Il est morcelé, disséqué dans son anatomie interne.
Ce n'est pas le message du corps , la conversation somatique qui est donné à
entendre, mais l'éloquence des organes. Le sujet revendique l'exploration de
ses organes profonds par des IRM et bientôt des TEP scan. Le site, le lieu
hypocondriaque est un non-lieu obscur, secret, inaccessible et incorporel...
(2) la relation au médecin
2‑1 L'hystérique érotise
la relation et gratifie le médecin en guérissant du symptôme ‑ cadeau
vénéneux... pour rechuter bientôt ; la relation au médecin est personnalisée.
2‑2 L'hypocondriaque ne
tient aucun compte de la personne du médecin. Seules l'intéresse, la qualité,
la spécialité, la technicité du médecin. L'hypocondriaque , malade imaginaire
est surtout lui-même médecin imaginaire, parlant à son confrère. Dans la
relation transpire l'agressivité.
(3) L'invalidité
3‑1 L'hystérie peut être
invalide de manière temporaire ou intermittente, plus rarement chronique, mais
les temps changent et les bénéfices secondaires peuvent chroniciser
l’invalidité, l'offre d'assistance est particulièrement généreuse en France.
3‑2 L'hypocondrie a une
évolution chronique d'une seule tenue. La maladie s'éternise et elle éternise
le malade. Il est très actif dans sa quête médicale, la comptabilité des
dépenses, prises en charge et remboursement, dépassement d'honoraires de tel
professeur, et il consigne par écrit les fabuleuses mémoires de ses aventures
viscérales.
Dans les deux cas, il peut y
avoir mise en invalidité du médecin, ne pouvant guérir ces sujets... A
l'agressivité cachée et feutrée de l'hystérique, à l'agressivité manifeste de
l'hypochondrie, le médecin peut développer une contre agressivité en miroir,
conduisant à la rupture thérapeutique. Et ceci surtout face à l'hypocondrie
lui-même médecin imaginaire...
Hypocondrie et culture :
de l’expiation au préjudice
L’hypochondrie est une maladie
de pays riche , une maladie de la prospérité, de l’économie d’abondance.
L’hypocondrie est rare quand
les conditions de vie sont précaires , en économie de survie. En consultations
annuelles par habitants sur la planète, viennent en tête l’Australie et Israël.
Alors que les deux tiers des habitants de la planète meurent encore de faim ,
de guerre ou d’infections, du paludisme ou du sida. A l’Occident les magazines
de santé font un tabac : 1,5 millions d’exemplaires en France et 70% des
lecteurs sont des femmes. Les portails et sites Internet consacrés à la santé
attirent de plus en plus de visiteurs.
Jusqu’à la fin du 19 ème
siècle la douleur et la maladie entrent dans le champs d’une culture de
l’expiation et de la rédemption ; il est immoral de s’occuper de son
corps. Nous sommes sortis de cette culture de la culpabilité pour une culture
de la jouissance.
J’ai le droit à la jouissance,
j’ai le droit à la santé et si je ne les obtiens pas je vais le revendiquer. Je
suis dans une culture du jouir et par conséquence une culture du préjudice.
Est-ce que je jouis suffisamment de ce droit (à la santé par exemple) et est-ce
que j’en jouis aussi bien que mon voisin ?L’idée de préjudice peut
déboucher sur l’action procédurière, en hausse bien sur.
Les soignants se retrouvent à
soigner « ceux qui ne souffrent de rien ». Ainsi certains homéopathes
affirment « soigner la
santé ».
2. L'état-limite et le border-line
Relativement fréquent dans notre expérience en algologie, l' état-limite se situe dans un registre
classiquement intermédiaire entre la névrose et la psychose. Mais d'abord affinons la clinique de ce fourre-tout, de cette zone frontière de ce noman's land. Dans la clinique française, il s'agit de 2 entités différentes. La seule traduction de l'anglais vers le français ne peut résumer une complexité clinique authentique. Les travaux de Jean BERGERET sont déterminants pour distinguer et nuancer une originalité hexagonale dans l' uniformisation mondiale et standardisée. Pour nous, l'état-limite penche du coté de la névrose, il peut élaborer, établir une relation transférentielle durable et régulière, il peut symboliser et se construire. Malheureusement à l'opposé, le border-line penche du coté de la psychose et il sera plus instable, plus addicte aux substances, plus irrégulier et imprévisible dans les rendez-vous de consultation, l'accroche relationnelle sera plus lâche, voir inexistante. Les décompensations psychotiques sont plus fréquentes. Le pronostic n'est évidement pas le même.
Ceci étant précisé, dans les deux cas le patient peut être très bien adapté socialement voire hyperadapté
et capable de maintenir les apparences. Il peut avoir une réussite
professionnelle satisfaisante avec le besoin d'être apprécié et admiré, mais s'appuyant sur des relations d'exploitation d'autrui ou s'engage une bonne part de son agressivité.
Les auteurs anglais ont décrit
la personnalité "as if" = « comme si » remarquant
une plasticité, dans les comportements extérieurs, mais le quartet
symptomatique est là : Affectivité, Agressivité, Addiction, Psychose.
(1) Affectivité
inadéquate surgit lorsqu'il faut s'engager dans des relations affectives plus
étroites :
-le caractère superficiel, mouvant et instable, contraste avec l'hyper adaptation extérieure
-l'exigence de relations affectives "anaclitiques", (se coucher contre), de dépendance et
d'étayage à la fois.
(2)Agressivité est très
marquée faite de colères, hostilité,
violence : Passage à l'acte et crises clastiques
(3) Addictions et
impulsivité : boulimie, alcoolisme, toxicomanie, jeux , conduites à risques,
addictions médicamenteuses aux antalgiques.
(4) Psychoses
transitoires plus ou moins délirantes avec symptôme de dépersonnalisation, de
déréalisation. Le symptôme douloureux corporel peut être un rempart ou une
cicatrice de l'émergence psychotique.
IV PSYCHOSES CHRONIQUES
1 ‑ Psychose
dissociative : la schizophrénie
* Discordance : bizarrerie,
barrages
* Délire paranoïde, flou
* Autisme : repli sur soi
Plutôt rare en algologie, même
si nous connûmes un patient schizophrène qui alternait les épisodes d'algie
vasculaire de la face et les décompensations schizophréniques délirantes.
Lorsqu’il avait mal , il ne délirait plus et inversement… Un autre patient
schizophrène fut opéré au coude pour déplacer le nerf cubital .Il avait une
douleur d’apparence neuropathique. Lors de l'hospitalisation, il nous demandait
beaucoup de morphiniques , et dans ses antécédents nous découvrîmes divers
trafics de drogue avec l'Extrême Orient ; les morphiniques ont ici un
double impact , antalgique certes mais aussi incontestablement
psychodysleptique , véritable automédication contre l’angoisse psychotique.
Par contre la personnalité
schizoïde (repli , tendance à l’abstraction , hermétisme) est régulièrement
retrouvée dans la pratique algologique .
2 ‑ Délires chroniques :
Si le délire
paranoïaque est rare en algologie, la personnalité paranoïaque est plus
fréquemment retrouvée.
Le délire paranoïaque est
classiquement
* en secteur : préjudice, jalousie et
érotomanie.
* en réseau : délire d'interprétation de
Sérieux et Capgras.
La personnalité paranoïaque :
1 Méfiance
2 Psychorigidité
3 Surestimation de soi
4 Absence d’auto-critique et fausseté du jugement
5 Conflits et difficultés relationnelles
En algologie ,la dimension quérulente et/ou procédurière s’affiche ,le paranoïaque demande des certificats
médicaux pour argumenter un contentieux avec la sécurité sociale, le médecin ou
le chirurgien , la médecine du travail ,l’ employeur ou son assurance.
3 ‑ Psychose
Hallucinatoire chronique (PHC) :
4 ‑ Paraphrénies.
V PSYCHOPATHIE
La séméiologie montre
d’abord une biographie mouvementée associée à la triade instabilité,
impulsivité, inadaptation.
*Enfance :
Souvent placements itératifs, abandons
Irrégularité, difficultés scolaires, indiscipline ++
Chapardages, école buissonnière
Fugues
*Adolescence :
Conflits répétés avec autorité (parents, professeurs)
Echecs scolaires, renvois successifs
Délinquance
Nomadisme, fugues, TS, excès alcoolique, toxicomanie et prostitution
*Service militaire: insubordination, prison militaire, désertion
*Adulte :
Difficultés majeures d’insertion socioprofessionnelle
Triangle de vie déroulé entre ces 3 points: HOPITAL - ROUTE - PRISON
Combines, vols, grivèlerie, vie parasitaire
La vie est marquée parles passages à l'acte
Intolérance aux frustrations avec impulsivité
Gestes suicidaires, mythomanie et dimension perverse.
En hospitalisation au Centre Anti‑Douleur,le patient
psychopathe peut venir pour sevrage morphinique ou à la recherche de morphiniques.
Il faut être vigilant devant une tendance à la manipulation…
Mais la personnalité psychopathique se retrouve régulièrement dans un autre contexte : la
biographie mouvementée a entraîné des conduites à risques, alcoolisme et
accidents graves. En consultation, nous les voyons alors derrière des tableaux de paraplégie ou
tétraplégie entraînant des douleurs de décubitus ou des douleurs de déafférentation neuropathique. Le tableau
dépressif, la compassion ou le PTSD (Post Traumatic Stress Disorder) nous occultent souvent la psychopathie sous jacente.
VI LES PERVERSIONS
Nous n’en voyons jamais en
consultation de la douleur, mais cela pose la question des liens entre masochisme et douleur. LACAN disait qu’il y a
du "chiqué" chez le masochiste. Et pour lui, la douleur est un
"doux leurre".
Par contre nous rencontrons
les victimes des pervers. Plusieurs études montrent la fréquence d’abus sexuel
et/ou physique dans l’enfance chez les douloureux chroniques.
Bibliographie :
1- Thérèse LEMPERIERE ,Abrégé
de Psychiatrie de l’adulte , Masson ,
Paris , 1977.
2- Henri EY, Manuel de
psychiatrie , Masson , Paris,1974.
3- André BLAVIER, Les fous
littéraires , Henri Veyrier , 1982.
4- Guy BECHTEL et Jean-Claude
CARRIERE,Le livre des bizarres ,Robert Laffont, Paris,1981
5- Thérèse LEMPERIERE, Dépression et comorbidités somatiques ,
Masson, Paris 2003
|