Dr Pierre Decourt : INCERTITUDES IDENTITAIRES ET NOUVEAUX PARADIGMES?
La crise actuelle qui touche la psychiatrie est elle circonstancielle ou la récurrence d'un mouvement plus profond qui touche à l'identité même de la discipline ?
l' histoire
les crises et leur fécondité
:trois ruptures,
histoire
Perpétuellement en crise , déchirée par des courants divers qui ont fait sa richesse , sa fécondité et ses promesses, la psychiatrie subit-elle aujourd'hui un ébranlement sans précèdent qui touche ses fondements? Tout porte à le croire. Les prophètes écrivent déjà la chronique d 'une mort annoncée de la discipline. Ne se heurtent ils pas à d' autres qui en contre point voient dans ces soubresauts salutaires la naissance d'un pragmatisme nouveau, prometteur au nom de la modernité qui étonnamment, se voudrait dégagée de toute idéologie.
Sommes nous face à une situation nouvelle, ou à la récurrence d'une histoire ancienne? En fait Les conflits, les crises ont perpétuellement traversés le temps. des qu 'il s'agit de se confronter à l'énigme de la folie. Toutes les interprétations données à la folie pour saisir ce quelle contient d'énigmatique, d'irrationnel et d'inquiétant ont soulevés des passions haineuses. tout aussi irrationnelles
A ce titre la psychiatrie n' a jamais été indemne de ces luttes passionnelles, Elle fut traversée tout au long de son histoire pourtant si récente, par des critiques hostiles ou des disqualifications pernicieuses?
Ce sont les conséquences de ces crises qui nous intéresserons, en ce que leur impact touche l'identité même de la discipline, et par voie de conséquence celle des psychiatres dans leur exercice
Pourtant je vais essayer de montrer que si les crises successives ont données naissance à une série de ruptures elles ont permis la transmission à la période suivante d' un héritage, d' une nouvelle manière de voir et comprendre la folie Nous verrons que grâce à ces ruptures de nouveaux paradigmes surgirent (def khun)
Quelles sont ces crises? Elle sont au nombre de trois
On ne peut comprendre la situation actuelle sans un très bref rappel de ce que fut l' histoire de la folie. Ce sera pour nous l'occasion de nous interroger sur les raisons de l' éclatement actuel des principes qui pour une génération , la notre, en a fait l'attrait et la richesse.
La naissance de la psychiatrie
Jeune discipline, qui selon Foucault dans son " histoire de la folie" , la psychiatrie naîtra en fait au 19 siècle, de la volonté de la société de déléguer aux médecins la charge des malades mentaux. Les fous de ce fait venaient de changer de statut; la folie aussi. Elle gagnait une reconnaissance. elle ne serait plus jamais considérée comme la manifestation outrageante d'un funeste destin comme l'expression d'une expérience cosmique, ou surnaturelle, comme le fruit ou l'effet d'une possession divine. (Les innocents)
RUPTURE FONDATRICE
Le changement de statut social de la folie lui conférait une identité nouvelle .Le fou devait malade; la folie objet d'étude. Ce premier changement, est le fruit d'une première rupture,que l'on peut qualifier de fondatrice
Cette rupture originaire fit de la folie, une maladie, du possédé un malade qui devient objet d'étude. Ce changement ne fut pas brutal mais le fruit d'un longue évolution .
C'est l 'héritage transmis par le siècle des lumières au cours duquel la pensée philosophique se trouva tout entière dominée par le primat de la raison Le legs transmis par la pensée de Descartes fut la véritable référence de ce courant philosophique qui rompra avec le baroque et le classique cette première rupture marque le fin La fin d' une période bénie ou le fou était porteur d' un savoir inaccesible L'irrationnel perdait alors son pouvoir de fascination.
LAICISATION
Avec la laïcisation des phénomènes observés. disparaît l'idée, de purification, seul espoir jusque là d' une Rédemption, d'une guérison, grâce aux vertus de la conversion:
La THYRANIE DE LA RAISON
Exercera son pouvoir de manière particulière. le fou sera maintenu à distance; pire encore assimilé au déviant le fou, sera au nom de la tyrannie de la raison, rejeté, sa parole bâillonnée, parole qui par son incohérence dévalorisait d'avance les manifestations de la rationalité promue comme nouveau modèle de l' investigation de la condition humaine
Disparaît avec la conception divine de la folie chassée par l'avènement de la rationalité, toute une fantasmagorie merveilleuse, toute une esthétique du possédé, animée par cette fascination pour ce savoir inaccessible et redoutable prêté au fou. " La vertigineuse déraison du monde des insensés," inspiratrice des plus beaux chef d'œuvre de Breugehel , Bosch et tant d'autres, inspirés par ces malheureux embarqués dans ces nefs, étranges bateaux filant le long des rives de la rhénanie ou des canaux flamands. Cette déraison et son esthetisation donnait à l'homme sa véritable complexité: celle qui n'échappa pas à Erasme, constatant " ce spectacle divin qu 'est la folie des hommes" , spectacle ou la raison et la folie se côtoient; la folie s'attachant à la raison comme la raison s'attache à la folie. Réciprocité énigmatique d'ou naît cette vertigineuse déraison du monde.
L' EXCLUSION
Ce changement en appelait un autre! Apres avoir accueilli les lépreux et les malades souffrant d'affection vénérienne , les hospices offriraient les espaces nécessaires à l' abri des malades. Nous ne sommes pas encore à l'ère des asiles. Les malades mentaux seront encore tenus à l'écart, mais pour y être mieux observés, mieux disséqués pourrait on dire. Objet d'une observation méticuleuse, ils transcendaient à leur insu les pulsions voyeuristes des aliénistes, sorte d'entomologistes de l' âme, en une volonté obsédante de classer et de classer sans relâche. Une sublimation réussie en quelque sorte.! L'ordonnancement des faits observés ne donnait lieu portant à aucune tentative explicative, sauf à alimenter les théories dégénératives La notion de faute non pas divine mais morale était toujours présente L'espace moral d'exclusion dont les malades étaient frappés n'avait en rien changé. L' évanouissement de la portée morale qui condamnait implicitement le malade s'accentua grâce à la prise en considération du dysfonctionnement somatique, responsable de troubles psychiques:
PRINCIPE DE CAUSALITE
C'est cette première rupture qui consacra l' introduction du principe de causalité, permettant de tisser un lien positiviste entre une cause [1]et son expression, fut elle psychique. [2] ( délire , confusion mélancolie etc avaient déjà chez les Grecs fait l'objet de rapprochements multiples avec l'état des humeurs), Une étape essentielle venait d'être franchie. Le regard posé sur la maladie mentale avec le passage d' une détermination divine à un principe de causalité ne sera jamais plus le même. (il faudra attendre bien plus tard pour que ce principe soit mis en doute; P.Valéry indique que " Rien ne prouve que le principe de causalité soitapplicable en psychologie" . Dans le même sens, pour R. Thom [3], " La notion de cause est une notion trompeuse, la réalité est faite d'un réseau complexe d'interactions " )
La psychiatrie en tant que discipline naîtra selon ce principe de causalité en s'accolant aux disciplines médicales, la neurologie en particulier. Cet étayage éphémère conférant à la psychiatrie un statut identitaire précaire, une pseudo- identité, régulée par le principe de causalité [4]qui aura et a toujours la peau dure. cet étayage artificiel n'assurera pas pour autant la reconnaissance scientifique de la discipline, pourtant requise. Reconnaissance après laquelle elle ne cesse encore de courir
D'emblée corsetée la psychiatrie naissante éprouvait déjà quelques difficultés à affirmer son identité bridée par ce principe de causalité, éminemment réducteur
Deuxième rupture .psychiatrie et psychanalyse Une rencontre inévitablement manquée ou l'histoire d'un malentendu
Pour quelles raisons? Elles sont de deux types
1°Les raisons épistémologiques
GLISSSEMENT DE PERSPECTIVE
En renouvelant la réflexion sur la folie, la psychanalyse opère un glissement de perspective grâce auquel la différenciation entre l'irrationnel et le normal devient plus difficile à saisir. Ainsi en faisant l'hypothèse d'une continuité structurelle entre processus morbides et processus psychiques " normaux" , Freud considère qu'il est en mesure de démontrer que la folie est l'oeuvre de l'emballement de certains mécanismes inconscients qui habitent chacun d'entre nous, à notre insu. La folie est susceptible de devenir l'objet d'une connaissance rationnelle, (évacuation du principe de causalité avec l'introduction du concept d'après-coup)plénitude offerte à la connaissance scientifique pour devenir théorie à partir de l'étude de nos propres pensées ,fantasmes, rêves etc....
EXPERIENCE SUBJECTIVE
De ce fait, la folie est considérée comme distanceprise par rapport à la raison, comme écart relatif , au sein duquel l'expérience subjective se déploie. Cela définit une opposition franche entre psychanalyse et psychiatrie; la référence au pathos constituant pour la psychiatrie le point à partir duquel une logique classificatoire, un pronostic, un traitement s'instituent .( opposition entre le malade comme objet d'étude et le malade comme sujet de sa souffrance)
Selon Freud" la psychiatrie reste incapable de donner des explications aux phénomènes observés" .
DEGAGEMENT DE PRINCIPES SCIENTIFIQUES
On ne pourra cependant nier qu' elles procèdentl'une et l'autre d'un même mouvement objectivant dont l' intention vise au dégagement de principes scientifiques. Toute interprétation animiste ou syncrétique du " mal" soit en termesde possession ou d'appartenance diabolique surnaturelle est récusé par chacune des deux disciplines.( premier point d e convergence)
DISCONTINUITE DES PROCESSUS PSYCHIQUES
La psychanalyse va cependant plus loin, prétendant constituer à elle seule une science. Sa démarche se singularise lorsque en affichant la continuité des processus psychiques à l'oeuvre dans la folie et dans l'état normal, non seulement le modèle organiciste paradigmatique, causaliste s'effondre, mais elle poinçonne de manière irréductible son originalité. Actes manqués, lapsus, affichent la discontinuité de l'activité du Moi, du fait de son hétérogénéité structurelle, discontinuité qui s'articule et s'oppose à la fois à la continuité qu'elle suggère entre folie et activité psychique " normale" .
L'ILLUSION DU TRAUMATO-CENTRISME
Pourtant, le retour en force de la théorie du traumatisme ( traumato-centrisme)aura rapproché un temps les deux disciplines, en inférant à une causalité plus ou moins repérable l'origine des désordres (deuxième point de convergence); la connexion objectivante proposée entre une altération organique et certains troubles psychiques avait en effet quelque chose de profondément logique et de cohérent.
Le temps de la réconciliation épistémique, avec le retour de la théorie du traumatisme via la théorie de laséduction précoce, aura été bref même si le modèle causaliste n'est pas absent de l'œuvre de Freud, loin s'en faut. Son intérêt pour la théorie du traumatisme évoluera mais ne faillira jamais, et c'est bien injustement qu'une traditionphilosophique française ( P Ricoeur et J Hippolyte ) a considéré que l'irruption inattendue de ces " impuretés causalistes" devait être expurgée de toute référence métapsychologique digne de ce nom, afin d'assigner à la psychanalyse une fonction exclusivement herméneutique. cf P L. Assoun.([5])
2eme Raison ;les hommes
A partir de cette différence épistémologique irréductible les choses vont rapidement se gâter entre Freud et les psychiatres On ne peut ici en retracer l 'histoire, il suffirait de se référer à l'accueil que les psychiatres français en particulier ont réservés à la " nouvelle discipline scientifique"
Voici quelques morceaux choisis de ces relations tumultueuses
je cite Freud
- tous ces psychiatres et psychothérapeutes qui font cuire leurs petits potages sur notre feu sans même se montrer reconnaissants de notre hospitalité, ces soi-disant savants qui ont coutume de s'approprier les découvertes intéressantes de la science...([6]).
- Dans le cadre même de la médecine ,la psychiatrie, il est vrai, s'occupe de décrire les troubles psychiques qu'elle observe et à les réunir en tableaux cliniques, mais dans leur bons moments, les psychiatres se demandent eux mêmes si leurs arrangements purement descriptifs méritent le nom de science.([7])
-[1] " La méfiance du psychiatre a mis en quelque sorte la psyché sous curatelle et exige qu'aucune de ses motions ne trahisse un pouvoir qui lui soit propre" [8]
La troisième rupture qui donnera à la discipline une inflexion nouvelle et prometteuse, s' inscrira dans un contexte politique particulier animé par un profond mouvement de revendication généralisé, lié aussi aux promesses déçues Elle se manifesta brutalement , selon le mode d'une aspiration bruyante et politisée sur le terrain sociologique. (le malade comme produit du socius malade)
En se dégageant en 1968 de sa tutrice tyrannique qu 'est la neurologie, qui lui faisait tant d' ombre , la psychiatrie dans un mouvement animé par une forte revendication identitaire chercha à fonder son champ d'intervention sur de nouveaux fondements.
Cette quête pathétique porteuse de tant d'illusions la conduira alors tantôt du coté du somatique, tantôt du coté du social.
ANTIPSYCHIATRIE
Elle n'aura pas non plus résisté à l'effondrement des idéologies qui ont animés bien des courants, depuis la psychiatrie institutionnelle pure et dure, fondée sur le déni de la différence des sexes et des générations, en passant par l'anti-psychiatrie naïvement nourrie à la mamelle pernicieuse du déni de la maladie
En se raccrochant à ces sciences émergentes pleines de promesses, (les neurosciences ; la génétique; la pharmaco-genomique) les psychiatres ou plutôt certains d'entre eux commettent ils encore la même erreur? Evacuer la dimension intra-psychique à l'œuvre dans la maladie mentale!
Désillusion et ASPIRATION MECANICISTE
Quatrième rupture épistémologique
(Le retour à l'objectivation )
Fascinés aujourd'hui par ces attracteurs séduisants mais réducteurs que sont les neurosciences, et la génétique en particulier, les psychiatres voient leur discipline menacée d' un véritable éclatement. Son unité trompeuse s'est évanouie, décomposée en de multiples sous-ensembles, menaçant le projet même de son champ d'investigation qu 'est le sujet souffrant
Récapitulons les trois raisons au cœur de cette transformation qui ne sont pas le fruit du hasard ; les psychiatres y ont leur part!
1° La volonté d'en faire de la psychiatrie une discipline scientifique.[9]
excluant l'étude de la part d'irrationalité présente pourtant dans chaque) qui compose notre vie psychique. Ses conséquences engendrent un appauvrissement conceptuel qui dénature la complexité de l'humain
2°En laissant aux prescripteurs de tout poil la liberté de prescrire les médicaments propre à leur spécialité, ce que ces derniers font souvent avec talent et mesure, les psychiatres se trouvent doublement déshérites et affaiblis dans leurs prérogatives en participant au démembrement de leur spécialité
3°enfin et surtout en abandonnant le champ de la " réalité psychique" (intériorité de la vie psychique)[10] et son exploration ,aux cohortes de psychothérapeutes plus ou moins identifies, les psychiatres ne laissent ils pas filer ce qui constitue le champ même de leur spécificité?
DISCUSSSION
Ce nouveau défi nous confronte pour citer P.Ricoeur à " l'éprouvante synthèse de l'hétérogène" . -
Nous ne pourrons avancer sans accepter une confrontation avec un certain nombre de paradoxes liés à L'HETEROGENEITE DE LA PSYCHIATRIE;
1°Fiction clinique
2° Evaluation
3°Identité
1°Fiction clinique
Edmond est un jeune élève du conservatoire. Violoniste plutôt doué il découvrit sa passion des son jeune âge baigné dans l'atmosphère musicale que sa grand mère maternelle avait fait naître et su entretenir grâce à son goût pour le chant. Sorti dans un bon rang de l'école les difficultés commencèrent vraiment pour Edmond: Sa passion ne lui permettait pas de subvenir à ces besoins malgré l'aide de sa famille La confrontation avec les exigences de la vie, que sa volonté d'indépendance induisait, l'obligea à renoncer à l a perpective de faire une carrière artistique .IL se retrouva au Mac do du coin; à lire les partitions griffonnées des commandes des clients pressés. Quelques mois après cette conversion, de violentes douleurs abdominales apparurent progressivement, les dimanches, rythmées par la perspective du retour à son poste le lundi à 7heures.Les interventions médicales répétées s'avérèrent peu efficientes, et les examens dits complémentaires sans particularité, n'apportèrent aucun complément!.
Comment 'évaluer le symptôme digestif si ce n'est en terme de quantité, ( plus ou moins)sauf à prendre en considération la dynamique invisible sous jacente, que l'on entrevoit et qui nécessite un changement de paradigme,( pour en comprendre la fonctionnalité) introduisant subjectivité et histoire; c'est à dire la dimension diachronique; la souffrance psychique de l'artiste indique quel que chose de profondément personnel qui le submerge, et apparaît dans les dédales d'une symptomatologie banale; je suis un artiste qui souffre de ne pouvoir vivre de ma passion, et je dis cette souffrance à mon insu par un détour inchiffrable au regard d' un approche evaluative standardisée. Mais cette souffrance ne prend sens qu'à la lumière de son interprétation; elle ne peut avoir de valeur généralisante.
Le symptôme indique au moins deux choses; la souffrance d'un organe, et dévoile l'émergence d'une passion refoulée qui donne sens au symptôme; Il objective un signe et la réalité d'un conflit psychique et son destin détourné. La disparition du signe ne modifiera en rien la causalité, sauf à donner satisfaction au désir empêché dans sa réalisation
La seule prise en compte du symptôme selon une logique causaliste conduit à une impasse. En isolant le symptôme d'un contexte fantasmatique particulier propre à l'histoire d'Edmond, nous nous priverions d'une compréhension générale de sa souffrance et d'une réponse appropriée.
Mais La difficulté est grande d'apporter la preuve de ce changement afin de valider et de transmettre ce qui a été percu
2 Evaluation
-Le credo est le suivant
" une méthode thérapeutique, faute d'être attestée par des preuves concluantes peut bel et bien être considérée comme dénuée de toute valeur substantielle"
Le corollaire de cette assertion est le suivant: Seule l' évaluation d' une méthode thérapeutique est en mesure de fournir des preuves concordantes, quant à son efficacité, à défaut de preuve elle sera considérée caduque.
-Un saut de nature qualitative
L'argument souleve sans le poser réellement un problème épistémologique complexe qui traduit avec l'introduction de l'exigence evaluative, un double changement de paradigme[11] ; Avec la volonté de propulser la médecine au rang des sciences dites dures, s'opère un saut de nature qualitative, révolutionnaire pour la pensée de ceux qui sont confrontés dans leur exercice à la complexité du fonctionnement psychique;
Les conséquences seraient les suivantes
- La médecine ne serait plus hippocratique dans son essence en perdant l'exercice de cet l'art bien spécifique qui la caractérisait[12], fondée sur la relation interpersonnelle et ses effets.
- Cette position imposerait un renoncement radical à toute approche psychopathologique, en ne faisant plus de la recherche du sens du symptôme ou de la souffrance le moteur du changement. La tradition herméneutique, s'évanouirait!
C'est à ce poin
- P.Valéry indique que " Rien ne prouve que le principe de causalité soitapplicable en psychologie" . Dans le même sens, pour R. Thom [13], " La notion de cause est une notion trompeuse, la réalité est faite d'un réseau complexe d'interactions " . Pour le même auteur,l'approche réductionniste, (conséquence du principe decausalité), échoue face au phénomène quasi universel d'unehiérarchie de niveaux, telle que la métapsychologie freudienne en atteste dans saconception des instances psychiques. De façon plus générale la conception causaliste simplifie à l'extrême la complexité desphénomènes, dont les scientifiquesont tendance depuis 20 ans à faire l'éloge.
-Faut il se soumettre ou non à la problématique de l'évaluation?
La preuve est le produit transmissible de la rencontre de deux expériences émotionnelles partagées dans une même temporalité dont naîtra la conviction, parfois la certitude, dans tout les cas une adhésion nuancée, à la fois " irréductible et dubitative" [14]; On comprendra dans cette approche que sa modélisation soit complexe, et insatisfaisante au regard de l'exigence tutélaire. Qu' est qu'une preuve en psychologie ou dans le domaine de la psychopathologie?
Une trace objective? Qu'est ce que l'objectivité dans le champ de l' intersubjectivité, de l'intrapsychique? Un accord tacite entre les protagonistes concernant la disparition de tel ou tel symptôme? Certes, mais qui peut garantir qu'il ne s'agit là que d' un effet de séduction, ou la manifestation d'une guérison paradoxale?[15]
Donnez moi la preuve de la validité de votre pratique ou de vos hypothèses alors que " la preuve est improuvable" !La pratique se fonde sur une conviction partagée qui engagent la subjectivité des acteurs. Cette petite perversion de la pensée en raison de son fondement paradoxal cherche à satisfaire des exigences contradictoires scientifiques, juridiques, thérapeutiques qui sont fondées sur des principes différents et selon des finalités qui peuvent opposées .Petite perversion de la pensée qui procède ainsi d'une superposition des objectifs, d'un amalgame réducteur. La demande d'évaluation est une injonction qui se caractérise par le coté aporétique de l'exigence et n' appelle que des réponses insatisfaisantes au regard de l'autorité, au regard de la science, et de la praxis. Elle est trompeuse, réductrice du point de vue de la complexité du fonctionnement mental. De ce fait, elle participe et entretien la confusion entre etiopathogenie centrée sur l'étude de l'apparition des troubles selon une temporalité complexe (après coup)et la psychogenèse, régulée par une temporalité linéaire, autorisant une articulation directe entre un événement et sa manifestation.
3°Identité et paradoxe .entre Discontinuité et permanence
UNE QUESTION METHODOLOGIQUE
Ce qui est approprié pour défendre l'identité d'un sujet peut il être pertinent pour son application à une discipline?
sommes nous en droit de parler d'identité en ce qui concerne une discipline , une théorie? Assignée généralement à définir ce qui caractérise un sujet, je propose comme hypothèse de réflexion d'opérer un glissement certes discutable afin de dégager les principes " identitaires" qui pourrait caractériser la psychiatrie
Mais ce que les travaux psychanalytique post freudien ont montré c'est que toute approche de la question de l'identité doit prendre en considération deux paramètres contradictoires, porteurs d'un fort potentiel de conflictualité interne. Se dessine pour le sujet, une opposition interne irréductible entre.
- Un noyau depermanence, ou de continuité, qui commeun fil conducteur permet la reconnaissance de soi même par soi même ou par autrui, source d'une impression d'adéquation," d'une mêmeté avec soi même" - il s'agit d'une des fonctions du narcissisme.
- et la marque d'une différence, qui assure la singularité subjectivante- dont le je[16] en est l'expression la plus affirmée; ce qui me permet de me différencier d'autrui.
La combinaison de ces deux paramètres contribuent ausentiment d'appartenance et à ses variations avec un certain degré de paradoxalité qui fait qu 'aujourd' hui je suis différent d'hier et déjà autre que ce que je serai demain mais pour autant le même
CONCLUSION
Les crises successives ont considérablement modifiées le statut du fou L' enseignement de ces crises et ruptures sont elles un facteur de progrès? Je le crois profondement.
De possédé , d'innocent, il deviendra avec le siècle de lumières un être source d'intérêt et d'étude sous couvert de rationalité
Avec la psychanalyse naîtra un formidable espoir. La dignité du malade s'en trouvera grandie, il n'est plus si étranger à nous même
La crise actuelle sonne t' elle le glas de la discipline?
Elle apparaît pour certains comme une immense régression, l'approche biologique et génétique nous éloigne de cette rencontre si particulier qui fait l 'honneur et la richesse de la spécialité
Les discussions avec les chercheurs montrent leur enthousiasme et leur optimisme qu 'il faut au nom d'une ouverture d'esprit respecter/Elles conduisent assurément à ce que la psychiatrie marque son identité?
La discipline doit affronter si elle veut survivre , ce terrible paradoxe
Affronter la part d'irrationnel et sa richesse fruit de la complexité humaine et de ses déviances
Affirmer sa dimension scientifique sans se résoudre au seul pragmatisme offert par le constat de la disparition de symptômes, Mais en la rendant transmissible, tout en sachant que La conception erronée de la science se révèle dans la soif d'exactitude Karl Popper[17],
[1] Cette approche découle d' un des axiomes fondamentaux de la pensée Kantienne à savoir le principe de causalité(" tous les changements arrivent selon la loi de liaison entre la cause et l'effet" ) .
[2] Pinel 1793 la déformation du crâne de certains aliénés. On retrouve déjà dans les ouvrages grecs et romains un conception localisatrice puisque pour Alexendre de Tralles" la sensibilité a son siège dans la partie antérieure du cerveau. La pathogénie est dominée par la théorie humorale
[3] Thom R. Paraboles et catastrophes; Fammarion 1984 p,133
[4] [4] Thom René. " les théories du traumatisme ; une manière hasardeuse d’introduire la notion de causalité; en fait la notion de cause est une notion trompeuse, intuitivement elle paraît claire alors qu’en réalité elle est toujours faite d’un réseau subtile d’interactions" in Paraboles et catastrophes" Flammarion 1984, p: 133.Cette critique prend aujourd'hui toute sa valeur à l' heure ou le traumato-centrisme hante les manuels explicatifs et réducteurs du comportementalisme.
[5] Assoun P L Introduction à l'épistémologie freudienne Payot 1981
[6] Freud S.Révision de la théorie des rêves in Nouvelles conférences sur la psychanalyse coll Idées 1971 p12
[7] Freud S Introduction à la psychanalyse op cit p11
[8]
[9] Popper Karl . in La logique de la découverte scientifique; in Payot , Paris 1982
[10] Freud L' interprétation du rêve in Œuvres complètes P.U.F p 71.72 La méfiance du psychiatre a mis en quelque sorte la psyché sous curatelle et exige qu'aucune de ses motions ne trahisse un pouvoir qui lui soit propre
[11] Kuhn Thomas S, La structure des révolutions scientifiques, Flammarion 1982
[12] Fort heureusement la pratique renvoie sans cesse à la méditation du praticien face aux incertitudes de la clinique dont l'effet placebo n'est pas le moindre.
[13] Thom R. Paraboles et catastrophes; Fammarion 1984 p,133
[14] " une croyance selon Heidegger qui va au dela des choses percues" (Heidegger Questions 2 commentaire de Platon la caverne)
[15] On comprend mieux que l'hystérie ne figure pas dans les classification modernes .Elle subvertit toute rationalité affichée et invalide la logique causaliste.
[17] Popper Karl R, La logique de la découverte scientifique, p 287 Payot 1982
|