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Le Développement de l’Intelligence chez l'enfant - Dr Anne Lorin

Dernière mise à jour de la page: 2 juillet 2009

 

Dr Anne Lorin
Pédopsychiatre
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LE DÉVELOPPEMENT DE L’INTELLIGENCE CHEZ L'ENFANT 

 

 

1ère PARTIE : THEORIES DE PIAGET

 

« Piaget est à l’intelligence ce que Freud est à l’affectivité » (Jean-Marie DOLLE)

 

I BIOGRAPHIE :

 

Jean PIAGET est né en Suisse, à Neuchâtel, le 9 août 1896.

Fils aîné d’Arthur PIAGET professeur de littérature médiévale.

Il décrit sa mère comme « intelligente, énergique, au fond d’une réelle bonté, mais son tempérament plutôt névrotique rendit notre vie familiale assez difficile »

«  Très tôt je négligeai le jeu pour le travail sérieux, tant pour imiter mon père que pour me réfugier dans un monde personnel et non fictif »

C’est un enfant précoce : entre 7 et 10 ans il s’intéresse « successivement, à la mécanique, aux oiseaux, aux fossiles des couches secondaires et tertiaires, et aux coquillages marins ».

A 11 ans il écrit un article sur un moineau albinos, qu’il envoie à un journal d’histoire naturelle de Neuchâtel : il obtient la permission de se rendre 2 fois par semaine au musée d’histoire naturelle aider le Directeur du musée (dans ses travaux sur les mollusques) pendant 4 ans (jusqu’à la mort du Directeur).

A 22 ans (1918) : doctorat en Sciences Naturelles : thèse sur les mollusques du Sud de la Suisse. (« Introduction à la malacologie valaisane »)

Il part ensuite étudier la psychologie, d’abord à Zurich puis à Paris (1919) où il reste 2 ans : on lui demande de standardiser les tests de raisonnement de BURT, dans le laboratoire de BINET : là « j’eus l’impression d’une véritable vocation »

 

Petit exercice du test de BURT :

Edith est plus blonde que Suzanne.

Edith est plus brune que Lydie

Quelle est la plus foncée des 3 ? [la bonne réponse est…Suzanne]

Normalement, on peut trouver la bonne réponse à partir de 12 ans …

 

Lors des passations avec les petits parisiens, il s’intéresse aux raisons des échecs, parle librement avec les enfants et « invente la méthode clinique » inspirée de la pratique des psychiatres (entretien semi-directif).

Il s’agit de converser librement avec l’enfant sur un thème dirigé. Suivre les détours empruntés par la pensée de l’enfant, et la ramener au thème pour en obtenir des justifications, en éprouver la constance, et à faire des contre suggestions.

Plus tard il complètera la méthode clinique : l’entretien avec l’enfant se fera au cours de manipulations par l’enfant d’un matériel concret (adapté pour mettre en évidence telle conduite ou telle structure logique) « l’enfant au lieu de réfléchir dans le vide, agit d’abord et ne parle que de ses propres actions » (Genèse du nombre)

 

Il découvre que la logique n’est pas innée, qu’elle se développe peu à peu. Il décide de découvrir l’embryologie de l’intelligence : en rapport avec sa formation de biologiste :

«  Dès le début j’étais convaincu que le problème des relations entre organisme et milieu se posait aussi dans le domaine de la connaissance, apparaissant alors comme le problème des relations entre le sujet agissant et pensant et les objets de son expérience. L’occasion m’était donnée d’étudier ce problème en terme de psychogenèse. »

Il décide de consacrer «  deux ou trois ans à l’étude de la pensée enfantine » En fait il y passera plus de cinquante ans.

Un concept important qu’il dégage de la pensée enfantine est l’égocentrisme.

C’est un aspect central de la pensée de l’enfant de 2 à 8 ans.

L’égocentrisme intellectuel « est la confusion inconsciente du point de vue propre avec ceux d’autrui » ; c’est la manifestation d’une pensée centrée sur elle-même.

L’égocentrisme se manifeste dans le jeu symbolique : l’enfant agit «comme si … » transformant le réel au gré de sa fantaisie.

Sur le plan social il s’exprime par le monologue :

Exemple : en maternelle, souvent les enfants ne communiquent pas réellement entre eux : chacun parle pour lui-même en présence des autres.

Pour illustrer la pensée symbolique égocentrique un ex. tiré d’un élève de Piaget :

Un enfant de 3 ans lui dit

 - Moi je t’ai vu à la télé

 - Ah bon ?

 - Je t’ai vu à la télé, tu disais des choses à la télé .T’as de la barbe, papa il a pas de barbe comme ça

 - Et qu’est ce que je disais à la télé,

 - Oh, des bêtises, va !

 - Comment c’était à la télé quand tu m’as vu ?

 - Comme ça [et l’enfant montre une carte de géographie au mur]

En fait l’enfant assimilait le psychologue au présentateur météo, barbu lui aussi.

Autre ex d’observation personnelle : (construction d’arbre généalogique élémentaire)

 - qui est la maman de ton papa ?

 - maman

 

En 1923 (27 ans) Jean PIAGET épouse Valentine CHATENAY, avec laquelle il aura 3 enfants :

 - Jacqueline (1925)

 - Lucienne (1927)

 - Laurent (1931)

Ces heureux évènements vont être pour lui l’occasion d’observations et d’expérimentations en collaboration avec son épouse.

Ex : «  la présentation du biberon à l’envers : n’est pas une simple plaisanterie paternelle mais l’étude de la construction des groupes de déplacement » ; il publie : « La naissance de l’intelligence chez l’enfant » et «  La construction du réel chez l’enfant »

Ils lui permettent d’aborder l’étude de l’intelligence avant le langage (de 0 à 2 ans : période sensori-motrice)

 

En 1925, il devient professeur de psychologie à l’Université de Neuchâtel.

Ensuite les activités et les responsabilités professionnelles deviennent de plus en plus importantes :

 - professeur d’histoire de la pensée scientifique à l’Université de Genève, puis de psychologie expérimentale. Il devient le successeur de FLOURNOY et de CLAPAREDE.

 - directeur du Bureau international de l’éducation puis effectue des missions pour l’UNESCO (Liban, Brésil, …) dont il est membre du conseil exécutif.

 

Ce qui ne l’empêche pas d’avoir une activité de recherche et de publication d’ouvrages particulièrement féconde. Oeuvre colossale.

La méthode va prendre 2 aspects 

- méthode de découverte

- méthode de diagnostic pour l’examen du développement opératoire.

Il travaille également sur l’épistémologie génétique : l’accroissement des connaissances chez l’enfant mais aussi chez l’adulte.

 

En 1973 (77 ans), il quitte l’enseignement, mais continue la recherche.

Il meurt à Genève le 16/09/80, à l’âge de 84 ans.

 

 

 

 

II DEFINITIONS :

1-Intelligence : moyen d’adaptation de l’individu au milieu, en préservant ses meilleures chances de survie. C’est la forme qu’a prise l’adaptation biologique au niveau de l’espèce humaine.

Cette adaptation utilise 2 mécanismes : l’Assimilation et l’Accommodation.

- L’Assimilation : (comme l’assimilation d’une substance par l’organisme biologique)

L’assimilation consiste à incorporer un objet ou une situation à un schème.

Assimilation fonctionnelle des données extérieures aux cadres déjà existants de la pensée.

Chaque fois que l’intelligence intègre le donné de l’expérience

3 - L’Accommodation : la conséquence de l’action du milieu sur l’organisme.

L’accommodation consiste à modifier le schème en fonction des propriétés de l’objet qui empêchent le jeu de l’assimilation.

Ex : le schème de prendre appliqué à un objet qui se balance : accroché au dessus du berceau.

Modifier les schèmes en fonction de l’expérience.

Toute activité spontanée consiste à assimiler d’abord et à accommoder ensuite.

4 - Schème : (schème d’action) ce qui dans une action est généralisable, transposable d’une situation à une autre : ex le schème de succion, le schème de prendre,

Ex de schèmes généraux :

 - « schème de réunion » : - conduite du bébé qui entasse des plots

- d’un enfant plus âgé qui assemble des objets en cherchant à les classer

- opération logique telle la réunion de 2 classes (les pères plus les mères = tous les parents)

- « schème d’ordre » : - ranger des plots par ordre de grandeur

- construire une série mathématique

Ex de schèmes d’action beaucoup moins généraux (qui n’aboutissent pas à des opérations intériorisées aussi abstraites) : schème de balancer un objet suspendu, de tirer un véhicule, de viser un objectif.

 

III LES STADES :

 

1°) PERIODE SENSORI-MOTRICE : de 0 à 18 mois

 

 A) L’intelligence sensori-motrice :

 

Déf : l’intelligence s’appuyant sur les perceptions et les mouvements.

Il s’agit d’un fonctionnement intellectuel empirique, collant au concret, à l’immédiat. Il est fondé sur l’utilisation de schèmes sensori-moteurs qui font entrer le bébé en communication avec le monde extérieur.

La période sensori-motrice est divisée en 6 stades marqués par une décentration progressive du bébé par rapport à lui-même.

 

1er stade : (jusqu’à 1 mois) l’exercice des réflexes

A la naissance, l’enfant ne possède comme moyen d’adaptation, que les réflexes héréditaires ; sa survie dépend de l’environnement.

Réflexes héréditaires : réflexe de Moro, de redressement et de marche automatique, grasping (la main du bébé se referme quand un doigt vient toucher la paume), fouissement, succion, déglutition,…

Certains de ces réflexes vont être pratiqués, exercés et se renforcer : déglutition, succion.

L’assimilation fonctionnelle et reproductrice consolide la succion et se prolonge en assimilation généralisatrice : succion à vide, et succion d’autres objets : sucette, doigt replié présenté au bébé.

D’autres vont disparaître : Moro, marche automatique,…(réflexes archaïques)

Ce 1er stade correspond à l’utilisation rythmique de schèmes sensori-moteurs primitifs réflexes (succion)

 

2ème stade : (1 mois à 4 mois et demi)acquisition d’habitudes sensori-motrices par assimilation reproductrice (reproduction du schème moteur inné en dehors du besoin biologique correspondant).

Ex : succion du pouce qui n’est plus l’effet de rencontres dues au hasard, mais de coordination entre la main et la bouche.

Autre ex : l’enfant découvre et utilise le fait de pouvoir téter sa langue (conduite très archaïque retrouvée par certains adolescents avec le piercing de langue…)

Réaction circulaire primaire : c’est le simple exercice d’un schème sensori-moteur inné (succion) qui stimule l’exercice de ce schème. (L’exercice de la succion entretient la succion)

Concerne le corps propre.

 

3ème stade : (4 mois et demi à 8-9 mois) Les répétitions intentionnelles de découvertes fortuites

Ce stade apparaît au moment de la coordination oculo-manuelle.

Ex : le bébé découvre qu’en tirant sur une ficelle qui pend du toit de son berceau, les objets qui y sont fixés remuent : il tire systématiquement dessus.

Ex 2 : quand la main et un objet désiré sont simultanément dans le champ visuel, le bébé saisit l’objet : ex il voit sa main et un hochet : il saisit le hochet.

C’est la réaction circulaire secondaire : répétition de schèmes sensori-moteurs dirigés vers un but extérieur, vers les objets ; dans le but d’entretenir le résultat : secouer la ficelle pour entendre les hochets.

L’imitation devient systématique et intentionnelle.

Ex : faire au revoir en agitant la main (reproduction d’un mouvement d’autrui par un mouvement propre dans le champ visuel de l’enfant)

 

 

4ème stade : (8-9 mois à 11-12 mois) : la coordination des schèmes secondaires et leur application aux situations nouvelles :

Il s’agit de l’utilisation d’un moyen déjà connu pour un but nouveau

Ex : on place une boîte dans le champ d’action du bébé ; quand le bébé cherche à attraper la boite, l’observateur (la mère, le père) interpose sa main entre l’enfant et la boîte. L’enfant tape sur la main pour l’écarter. Il y a utilisation d’un schème transitif « frapper » subordonné au schème final «  attraper » ; soit coordination de 2 schèmes indépendants.

Ex 2 : Jacqueline découvre qu’elle peut utiliser la main d’autrui pour parvenir au résultat : ex elle prend la main de son père pour remettre en marche une boite à musique qui s’est arrêtée.

Un but est posé : il y a un obstacle ; l’enfant improvise un moyen pour lever l’obstacle.

Imitation : l’enfant peut reproduire sur son corps propre des mouvements qu’il ne contrôle pas dans son champ visuel. Ex : se frotter les yeux

 

5ème stade : (11-12 à 18 mois) : La recherche active de moyens nouveaux, par tâtonnement

Expérimentation et recherche de la nouveauté.

L’enfant fait des expériences pour voir : l’enfant se lance à la conquête du milieu extérieur.

Réaction circulaire tertiaire : recherche active d’actions et de résultats nouveaux par tâtonnement.

3 conduites caractéristiques de cette époque :

conduite du support : l’enfant découvre qu’il peut attraper un objet éloigné en tirant sur la couverture sur lequel il est placé.

conduite de la ficelle : un objet attirant pour l’enfant est placé à distance dans le champ visuel ; cet objet est attaché à une ficelle dont une extrémité est placée à coté de l’enfant.

Ex : Piaget place un chausse pied rouge sur une chaise en face de son fils Laurent assis sur un canapé.

Laurent regarde le chausse pied, puis suit des yeux la ficelle, la prend et la tire des 2 mains. Lorsque le chausse pied disparaît de son champ de vision, il continue sa manœuvre jusqu’au succès complet.

conduite du bâton : la ficelle est un prolongement de l’objet différent du bâton qui est un instrument.

Ex : faire glisser un objet (une peluche, une poupée) au moyen d’un bâton pour le rapprocher et le saisir.

Avec l’expérimentation active, l’accommodation devient en quelque sorte une fin en soi : en cherchant des moyens nouveaux, elle aboutit à la constitution de schèmes nouveaux qui peuvent se coordonner avec les anciens. Elle demeure dans le champ perceptif.

 

6ème stade : (18 mois à 2 ans) L’invention des moyens nouveaux par combinaison mentale

Il s’agit de combinaison soudaine et immédiate de schèmes, sans tâtonnement

Ex : Lucienne qui savait sortir une chaîne d’une boite d’allumettes ouverte par une fente de 10 mm, échoue quand la fente d’ouverture n’est plus que de 3 mm ; après avoir essayé ses schèmes : introduire le doigt dans la boite, retourner la boite pour la vider, elle ouvre et ferme la bouche, puis introduit son doigt pour élargir la fente et sort la chaîne : tout se passe comme si elle s’était représentée ce qu’il fallait faire avant d’agir.

L’enfant a découvert de façon expérimentale les lois qui régissent le déplacement d’un objet : ces lois forment une structure logique que PIAGET appelle «le groupement des déplacements »

Le groupement des déplacements comporte 4 opérations :

  1 une opération directe : un déplacement de A vers B est composable avec un déplacement de B vers C, ce qui donne un déplacement global de A vers C.

(A vers B) + (B vers C) = A vers C

  2 une opération inverse : un déplacement est toujours orienté, il peut donc être inversé : à un aller de A vers B correspond un retour de B vers A, ce qui en composition donne :

(A vers B) + (B vers A) = 0, soit retour au point de départ

  3 une opération nulle : l’enfant ne se déplace pas

  4 une opération associative : quand l’enfant se rend d’un point à un autre en empruntant des chemins différents : par ex quand le trajet direct de A vers E n’est pas possible et que l’enfant pourra emprunter :

(A vers B) + (B vers C) +(C vers E), mais aussi : (A vers B) + ( B vers E)

 

 

Le « groupement des déplacements » : permet l’acquisition de la « permanence de l’objet »

En effet avant la découverte des lois qui régissent le déplacement d’un objet , le bébé a l’impression qu’un objet n’existe que si il est dans son champ perceptif, puisqu’il ne sait pas par quel moyen le faire réapparaître quand il a disparu de son champ perceptif.

Quand l’enfant a acquis les lois du groupement des déplacements, il sait que les déplacements appliqués à l’objet peuvent être effectués en sens inverse : il a acquis la notion de la réversibilité des déplacements, d’où la permanence de l’objet.

 

 

 

B) La construction de l’objet perceptif :

a) Phase adualistique :

L’enfant ne s’intéresse à un objet qu’en fonction de son désir immédiat. En l’absence de désir l’objet n’existe plus pour lui.

b) Phase de permanence partielle de l’objet :

A partir de la coordination oculo-manuelle (5ème mois) L’enfant recherche l’objet dans les limites de son champ perceptif. (Si on cache l’objet derrière un écran, l’enfant arrête sa recherche)

c) Phase de permanence de l’objet :

Débute vers 9 mois, s’achève vers 18 mois avec l’acquisition du «groupement des déplacements »

 

En résumé, les 6 stades du développement de l’intelligence sensori-motrice :

Des exercices réflexes (stade 1) aux habitudes acquises (stade 2), l’activité concerne le corps propre.

Par les adaptations intentionnelles (stade 3), le champ s’ouvre aux coordinations de schèmes appliqués aux situations nouvelles (stade 4).

L’expérimentation active (stade 5) procède par tâtonnements et reste dans le champ perceptif.

Enfin invention de moyens nouveaux par combinaison mentale (stade 6).

 

2°) PERIODE PREOPERATOIRE (de 18 mois à 7 ans)

A)les nouvelles possibilités :

L’intelligence cesse d’être purement sensori-motrice : elle s’intériorise, se détache de la perception immédiate, grâce à la représentation mentale qui donne accès à la fonction symbolique que Piaget appelle la fonction sémiotique.

Jusque là, l’enfant utilisait des indices, pas des symboles, ni des signes

 

Définitions (Ferdinand de Saussure)

- indice : indique quelque chose par contiguïté dans le temps ou dans l’espace (ex : les nuages qui annoncent la pluie)

- symbole : représente une chose par analogie (le jeu ou le dessin)

- signe : représente quelque chose arbitrairement par un signifiant quelconque, dont le sens est donné par convention (les mots d’une langue sont des signes)

 

La fonction symbolique est la possibilité de représenter quelque chose (un signifié) par un symbole ou par un signe (un signifiant) qui ne sert qu’à cette représentation.

La fonction symbolique, c’est la capacité d’évoquer un objet ou une situation non perçus actuellement en se servant de symboles ou de signes.

L’enfant peut désormais représenter une chose absente.

 

5 conduites marquent l’apparition de la fonction sémiotique :

- l’imitation différée

- le jeu symbolique : un coquillage va au cours du jeu devenir un chat (au dos arrondi), une barque, une assiette,…le réel est transformé par la pensée symbolique au gré des exigences du désir de l’enfant.

- le dessin

- les images mentales : copies actives du réel

- le langage : il s’agit d’un système de signes fixé par convention, arbitraire ; sans rapport de ressemblance entre le signifiant et le signifié. Toutefois, le langage de l’enfant diffère de celui de l’adulte : Les mots ou les phrases évoquent une réalité particulière ; l’enfant ne sait pas penser la généralité : il est enfermé dans la particularité. Lorsqu’il parle, l’enfant voit ce qu’il énonce : si fortement que son langage est plus allusif qu’informatif : comme si l’adulte ou l’autre enfant voyait comme lui ce qu’il évoque. C’est le langage égocentrique (qui se transformera en langage socialisé)

La pensée symbolique repose sur des images mentales symboliques, c'est-à-dire individuelles et pratiquement incommunicables.

Piaget a mis en évidence et a insisté sur l’égocentrisme de cette période.

 

Avec la fonction symbolique, l’intelligence n’est plus empirique, elle s’intériorise, avec une possibilité d’abstraction et de généralisation.

 

 

B) le développement de la pensée :

1- le stade de la pensée préconceptuelle : de 18 mois à 4 ans

Il y a décentration par rapport au désir du moment et permanence de l’objet mais illusions perceptives.

 

2- le stade de la pensée intuitive : de 4 ans à 7 ans

Le raisonnement est « prélogique » : l’enfant est capable d’un raisonnement logique sur une partie seulement des données, sur un seul aspect des choses.

Exp. (PIAGET) : on dispose devant l’enfant 2 verres identiques contenant le même nombre de perles, puis un 3ème verre de plus grand diamètre ; on vide devant l’enfant l’ 1 des 2 premiers verres dans le 3ème : interrogé, l’enfant dit :

- qu’il y a moins de perles dans le 3ème car la couche de perles est moins haute

- ou : qu’il y a plus de perles dans le 3ème car la couche de perles est plus large

Exp.2 : former avec une même quantité de pâte à modeler plusieurs formes successives :

Boule, cylindre, galette : l’enfant trouve qu’il y a moins de pâte dans la galette ou le cylindre que dans la boule, parce qu’ils sont moins gros.

L’enfant ne peut - réunir les différents aspects de la réalité perçue

- intégrer dans un seul acte de pensée les phases successives du phénomène, les transformations

 

3°) PERIODE OPERATOIRE : A) STADE DES OPERATIONS CONCRETES

de 7 ans à 12 ans

L’enfant acquiert le raisonnement logique d’abord concret, puis abstrait.

A partir de 7 ans les actions de l’enfant deviennent des opérations, c'est-à-dire des actions exécutables en pensée et réversibles

 

On distingue :

- les structurations à caractère infra logique : conservations physiques (quantité de matière, de poids, de volume) et conservations spatiales( des longueurs, des surfaces, des volumes spatiaux)

- les structurations logicomathématiques

 

Vers 7 ans, l’enfant acquiert la réversibilité logique : qui donne plus de mobilité à sa pensée.

La réversibilité logique c’est le fait qu’une transformation dans le monde physique peut être annulée en pensée par une action orientée en sens inverse.

Ex. une boule de pâte à modeler transformée en galette

La pensée opératoire concrète est structurée et logique. Elle utilise la réversibilité et la déduction. L’enfant est capable de distinguer à travers le changement ce qui est invariant.

Cette pensée logique ne s’applique qu’à des opérations concrètes.

L’enfant va raisonner de façon logique pour une caractéristique des objets, mais encore de façon intuitive pour une autre caractéristique.

 

a) structurations à caractère infra logique :

1 - conservations physiques

. de la quantité de matière ( 7-8 ans)

L’expérimentateur présente à l’enfant 2 boules de pâte à modeler identiques (ayant la même quantité de pâte). Puis il pose la boule A en évidence et devant l’enfant il aplatit la boule B en une sorte de galette. Et demande à l’enfant s’il y a la même chose de pâte dans la boule et dans le galette ; et d’expliquer pourquoi il y en a plus ou moins.

Ensuite la boule B est transformée en une galette.

A 5 ans : l’enfant répond : - il y a moins de pâte dans la galette parce qu’elle est plate (la boule est grosse)

- il y a plus de pâte dans la galette parce qu’elle est plus grande

Vers 7-8 ans :les enfants affirment que la quantité de pâte reste identique «  c’est la même chose, on n’a rien enlevé ni rien ajouté » « si on refaisait la boule, on aurait la même chose »

de la quantité de poids ( 8-9 ans)

du volume ( 11-12 ans)

L’enfant peut désormais faire des classifications, des sériations.

 

2 - conservations spatiales :

des longueurs ( vers 7 ans), des surfaces ( vers 7 ans : exp : des 2 champs où broutent des vaches, sur lesquels on pose le même nombre de maisons : regroupées sur un pré, espacées sur l’autre : en demandant si chaque vache aura autant à manger), des volumes spatiaux.

 

b) la connaissance logicomathématique :

1- conservation des quantités numériques : par les correspondances terme à terme : acquise à 7 ans)

Exp. : on dispose 7 jetons blancs en ligne, un peu espacés. On demande à l’enfant de prendre autant de jetons rouges dans une boite et de les placer en ligne sous la 1ère.

A 4-5 ans : l’enfant construit une ligne de jetons rouges aussi longue que la ligne de jetons blancs mais en comblant les intervalles

A 5-6 ans : l’enfant dispose un jeton rouge sous chaque jeton blanc (terme à terme) ; mais si l’observateur espace un peu plus une des 2 rangée, l’enfant dit qu’il n’y a plus «la même chose de jetons »

A 7 ans : la correspondance terme à terme est acquise, quelque soit l’arrangement des jetons. (Jetons rouges en rond, en croix,…)

 

2- les classifications

Acquisition des notions de « tous », de «  quelques », vers l’âge de 8 ans

Exp : on présente à l’enfant des perles en bois : 8 jaunes et 2 rouges et on demande :

- s’il y a plus de perles en bois ou plus de perles jaunes

 

3- les relations (sériations)

Grouper les objets selon leurs différences ordonnées : déjà l’enfant de moins de 2 ans peut empiler des gobelets de taille croissante, peut encastrer des formes de taille croissante ou décroissante. Mais, au stade des opérations concrètes, on assiste à une reconstruction de ces sériations sur le plan de la représentation.

Par l’expérimentation, on peut distinguer la sériation qui relève de la perception et la sériation qui relève des opérations proprement dites.

On donne à l’enfant 10 réglettes de 9 à 16 cm on lui demande de faire un escalier en commençant par la plus petite des réglettes. Puis on lui donne d’autres réglettes à intercaler.

C’est vers 8 ans seulement que l’enfant découvre une méthode opératoire : il cherche le plus petit élément de tous, puis le plus petit de tous ceux qui restent, etc.…Un élément E est à la fois plus grand que les précédents et plus petit que les suivants (réversibilité opératoire, avec capacité d’intercaler sans tâtonnement les réglettes supplémentaires)

 

4- les groupements multiplicatifs

Portent sur plusieurs classifications et plusieurs sériations à la fois.

Le plus simple est la correspondance sériale :

Exp : on présente à l’enfant des bonshommes de tailles croissantes (ou décroissantes), des cannes correspondantes et des sacs à dos : l’enfant série en correspondance bonshommes, cannes et sacs à dos, vers 7 ans.

 

 

5- le nombre et le problème de sa construction

Le nombre n’est pas une donnée primitive correspondant à une intuition initiale, mais il se construit de façon opératoire.

Dans les épreuves de correspondance, il arrive un moment où l’enfant fait abstraction des qualités, c'est-à-dire élimine les différences entre les éléments qui deviennent équivalents.

Ex : les jetons de même taille et de même couleur ; les enfants n’ont d’autre moyen pour les distinguer que de les considérer l’un après l’autre :

Ils peuvent alors être énumérés : «  un et puis un, et puis un, etc. »

A partir de 7 ans les actions de l’enfant deviennent des opérations, c'est-à-dire des actions exécutables en pensée et réversibles.

Toutefois, l’intelligence sensori-motrice continue à se développer ; cette « intelligence pratique » (Rey) permet bien des acquisitions : dans le domaine de la résolution de problèmes, dans le domaine de la mécanique.

 

 

 

4°) PERIODE OPERATOIRE : B) STADE DES OPERATIONS FORMELLES :

A partir de 12 ans.

L’enfant commence à pouvoir détacher son raisonnement des opérations concrètes pour l’appliquer sur des énoncés verbaux, pour faire de pures hypothèses.

C’est le raisonnement «hypothético-déductif » : ce n’est plus un raisonnement sur des objets, mais un raisonnement sur les opérations qu’on peut appliquer aux objets.

 

Peu à peu, l’enfant devenant adolescent, peut raisonner sur des énoncés verbaux de plus en plus abstraits, et faire des hypothèses de plus en plus complexes. [Et on dit pourtant qu’il entre dans l’âge bête…]

 

BIBLIOGRAPHIE :

Jean Marie DOLLE – Pour comprendre Jean PIAGET.1974, Dunod 

Cahiers Vilfredo Pareto, Jean PIAGET – Autobiographie.1966, Genève, Droz, n°10

Ph.MAZET, D.HOUSEL – Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.1993, Editions Maloine

 

 

2ème PARTIE : DEVELOPPEMENT DE L’INTELLIGENCE SELON Henri WALLON

 

I BIOGRAPHIE :

Psychologue français, né le 15 juin 1879 à Paris, mort le 1er décembre 1962 à Paris.

Il est le petit-fils d' Henri Wallon (1812-1904) homme politique de la Troisième République. Elève de l’ENS, il passe l’agrégation de philosophie (1902), puis devient docteur en médecine (1908).Il est mobilisé comme médecin militaire pendant la 1èreguerre mondiale. Puis passe une thèse de doctorat es lettres sur l’enfant turbulent. Il s’intéresse à l’application de la psychologie à la pédagogie. Il a présidé une commission de réforme de l'enseignement : le projet Langevin Wallon (1945).

Il a mené de front une double carrière, scientifique et politique.

Il a décrit le développement de l’enfant, en particulier de son intelligence, sans proposer comme Piaget une théorie du développement intellectuel, ou comme la psychanalyse un modèle de l’appareil psychique.

 

II IDEES PRINCIPALES :

 

1) La maturation du système nerveux est la base du développement.

 

2) Il y a une différenciation progressive de la pensée syncrétique vers la pensée objective :

Pensée syncrétique : l’enfant confond : son désir, son imagination et la réalité extérieure

Pensée objective : différenciation entre soi et l’autre, entre sujet et objet

 

3) l’évolution se fait de l’intelligence pratique vers l’intelligence discursive :

«De l’acte à la pensée » WALLON

La pensée intérieure naît d’une intériorisation de l’acte.

Pendant longtemps, l’enfant tourne entièrement son intelligence vers l’action immédiate.

L’intériorisation de la pensée nécessite l’identification à l’autre :

Imitation de l’autre

Identification en miroir qui permet à l’enfant de construire son propre schéma corporel

Le rôle de la relation de l’enfant avec son entourage est fondamental

D’abord fondée sur la motricité, « le dialogue tonique »qui expriment les émotions

Puis sur le langage

 

4) la pensée catégorielle :

Découverte des oppositions qualitatives avant les oppositions quantitatives (grand / petit, beaucoup / peu)

Possibilité de distribuer dans des catégories les différents éléments de l’expérience, ce qui permet de découvrir progressivement la causalité et les lois qui la régissent.

«  Les solutions données à ce problème dépendront d’un matériel d’analogies que l’enfant tire de son expérience usuelle, mais surtout de dissociations, qu’il sera capable d’opérer dans les données brutes de l’expérience pour ramener chaque facteur de la réalité à la série dont il fait partie, pour constituer ainsi des séries spécifiques de causes et d’effets. Le progrès de la causalité chez l’enfant est ainsi lié au développement de la fonction catégorielle. » (in « l’évolution psychologique de l’enfant »)

 

 

III LES STADES :

Ils se suivent dans une alternance de phase centrifuges (construction de l’intelligence, développement des connaissances) et centripètes ( construction de la personnalité).

 

 

1°) les stades impulsif (0 à 3 mois) et émotionnel (3 mois à 1 an) :

Motricité et émotion sont les principaux organisateurs de ce stade.

Le stade impulsif est caractérisé par le désordre gestuel.

Au stade émotionnel, les réponses de l’entourage aident l’enfant à organiser ses émotions.

 

2°) le stade sensori-moteur et projectif (1 à 3 ans) :

La manipulation d’objets et l’exploration de l’espace proche permettent le développement d’une intelligence des situations : l’intelligence pratique.

L’enfant commence à imiter.

L’apparition du langage, capacité à se représenter ce qui est absent, permet le développement de l’intelligence discursive.

 

3°) le stade du personnalisme  (3 à 6 ans) :

L’affectivité prime.

- Période d’opposition : 3 à 4 ans ; l’enfant s’oppose pour s’affirmer.

- Période de séduction : 4 à 5 ans

- Période d’imitation : 5 à 6 ans ; l’enfant imite le parent de même sexe

 

4°) le stade catégoriel (6 à 11 ans) :

Les activités intellectuelles dominent : l’enfant devient capable d’attention, d’effort, de mémoire volontaire. Il accède à l’abstraction.

 

5°) le stade de l’adolescence (11 à 16 ans):

Stade de remaniement affectif et de développement intellectuel.

 

 

 

3ème PARTIE : THEORIES ACTUELLES DU DEVELOPPEMENT DE L’INTELLIGENCE :

 

Les 4 modèles théoriques, du développement de l’intelligence :

 

1°) Modèle biologique maturationniste : (GESELL, MONTESSORI)

Déploiement de ce qui est préformé dans l’organisme.

Le milieu nourrit une croissance préformée.

 

2°) Modèle (épigénétique) behavioriste : (de behavior : comportement)

Le développement, c’est le façonnage de l’organisme par l’environnement à travers le conditionnement agissant sur plaisir/déplaisir (la carotte et le bâton)

 

3°) Modèle (épigénétique) interactionniste piagétien :

Le développement est la construction endogène de structures cognitives nouvelles rendues nécessaires par les problèmes posés par le milieu (repose sur l’assimilation et accommodation)

 

4°) Modèle (épigénétique) interactionniste social : (VYGOTSKY)

Le développement est le produit des actions réciproques de l’organisme et de l’environnement, qui apporte avec le langage des problèmes (à résoudre) et des procédures cognitives.

 

 

Lev VYGOTSKI

Psychologue russe.

Né en 1896, comme Jean PIAGET et Célestin FREINET.

Elève brillant, obtient l’une des rares places réservées aux juifs à l’Université de Moscou.

Attiré par la médecine, le droit, la psychologie, la linguistique et la littérature.

Sa thèse de doctorat sur Hamlet.

A écrit une Psychologie de l’art.

En 1920 : tuberculose

Directeur de l’institut de défectologie (enfants sourds retardés mentaux, aphasiques, schizophrènes) : il défend l’éducation des enfants handicapés.

A partir de 1931, attaqué par les orthodoxes du PC : il est accusé d’accorder une place trop grande à la psychologie bourgeoise occidentale, aux tests, à la psychanalyse.

Mort en 1934, à 37 ans, après avoir écrit 6 volumes, mis à l’index jusqu’après la mort de Staline.

 

Son originalité :

1. Notion de zone proximale de développement

Déf. Elle est définie par la distance entre les taches que l’enfant est capable de réaliser seul (niveau actuel de développement) et celles qu’il est capable de réaliser sous la direction d’un autre (qui guide en posant des questions, donnant des exemples,…)

Un enfant peut toujours faire plus que ce qu’il sait faire seul, pourvu qu’il soit aidé.

 

2. Dimension sociale du développement

L’interaction sociale détermine les apprentissages scolaires, mais aussi le développement de toutes les fonctions psychiques supérieures : prise de conscience, langage, attention et mémoire volontaire.

« Chaque fonction psychique supérieure apparaît deux fois au cours du développement :

- d’abord comme activité collective, sociale donc comme fonction interpsychique

- Puis la 2ème fois comme activité individuelle, intérieure, comme fonction intrapsychique ».

 

Le travail dans la zone proximale de développement – apprendre avec de l’aide- est utilisé à l’école tous les jours.

 
 
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