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Double: Fonction et Paradoxe- Dr Pierre DECOURT

Dernière mise à jour de la page: 2 juillet 2009

 

Freud confère au thème du double une dimension intégrant les points de vue économique, topique et dynamique. Il  prolonge tout en s’en dégageant une tradition philosophique et romancière. Pour lui, le "   motif  du double" n’est pas un simple trouble de la représentation de soi ou un avatar de la construction du moi ; il a une double portée, comme organisateur du moi, et comme témoin du fonctionnement ou du dysfonctionnement de l’inconscient. Symptôme, défense ou processus, le motif du double tel qu’il est repris dans l’article de Catherine Couvreur[1] est comme «  une sentinelle, témoin  infatigable et révélateur de l’activité  de l’inconscient secondaire.  »

C’est à ce titre que l’expérience du double dans l’analyse est centrale. L’intérêt des analystes, du fait de leur double filiation et de la double écoute à laquelle ils procèdent, en présence d’un matériel doublement inscrit, à la fois dans le passé et dans l’actuel, les prédispose à une réflexion sur le thème du double. De surcroît pour Freud, le double ancrage sexuel de l’être humain «  lui même et la femme qui lui donne les soins  », instaure une conflictualité originaire intra psychique et intersubjective.

Trop nombreux sont les auteurs pour les citer ici, pour lesquels le thème du double constitue un analyseur spécifique de l’épistémologie et de la praxis Freudienne  . Porteur intrinsèquement d’un caractère amphibolique,  le motif du double peut être l’objet de glissements de sens  infinis, selon son usage comme  adjectif ou substantif ou selon qu’il est appréhendé comme symptôme ou processus.

S’il n’existe pas dans l’ œuvre de Freud d’ouvrage spécifiquement consacré au thème du double, les références sont multiples. Elles balisent l’ensemble des développements de la pensée Freudienne. On trouvera le thème du double présent à toutes les étapes du développement de la métapsychologie.

Mon intérêt pour le thème du double a des origines multiples  ; certaines sont anecdotiques, d’autres  plus sérieuses au sens ou elles se fondent sur la pratique psychanalytique et son histoire.

Parmi ces origines, une est de nature  patronymique certes, ou le de(deux) a sa place, l’autre, davantage liée à la singularité de notre pratique, illustrée dernièrement par cet événement.

Anne Marie grande délirante érotomane ne cessait de me persécuter par ses multiples appels téléphoniques quotidiens .»Je veux parler au Docteur Paul Decourt  » demandait elle avec insistance. Aucune de mes réponses indiquant avec une fermeté croissante que je ne connaissais pas cette personne, ne mirent fin à ce pénible harassement .Las, comme pour me protéger, je finis par m’entendre lui dire  ; «  Rappelez moi ce soir  !  »

A quel double de moi même lui proposais je ainsi de s’adresser  ?

Enfin, j’ai pu considérer au fil de nombreuses cures combien Alain Delon, sorte de double inversé, était devenu une figure familière, qui condensait les aspirations identificatoires les plus triomphantes, pour moi même et les patients.

Si cet intérêt pour le thème du double, un peu circonstanciel n’était relayé par un certain nombre d’interrogations issues de la pratique de l’analyse, nous ne nous serions peut être pas demandé en quoi recoupe t’il celui de Freud, ni n’aurions été conduit à examiner comment ses recherches s’inscrivent dans une tradition épistémologique et philosophique ancrée au plus profond de notre culture  , résumée par Ferdinand Alquié[2] ;  »  la conscience suppose un dédoublement, une certaine séparation d'avec ce dont on a conscience. Avoir conscience de soi, c’est se prendre pour objet, c’est donc ne pas coïncider avec soi, c’est renoncer à ce qu’on était  ».

 

Qu’ est ce que le double  ;

 

Le double est une figure instable, souvent composite qui recoupe plusieurs réalités, ce qui contribue à la confusion conceptuelle à laquelle Perel Wilgowicz[3] tente d’apporter quelques lumières, à partir d’ une interrogation centrale. L’utilisation du même  vocable est elle justifiée pour décrire une modalité psychique rattachée à une problématique œdipienne ou spéculaire et une autre qui relève davantage du narcissisme primaire  ?

L'auteur différencie; l’image  , le masque, le  reflet, l’ombre.

L’idée proposée est la suivante. Elle différencie les doubles «  porteurs de vitalité, et de lumière  », c’est à dire à la source du processus identificatoire et créatif, des «  ombres antérieures  » avec leur part maudite quand elles nourrissent l’emprise.

Examinons les différents aspects du double, tel qu’on peut les définir à partir de leur expression dans la clinique;

1)Dans le champ de la  pychopathologie;

Ils  recouvrent une palette de manifestations cliniques, allant de la dépersonnalisation à la dissociation, en passant par les phénomènes d’ inquiétante étrangeté, de double conscience dont l’ hypnose est parfois, à titre expérimental ou thérapeutique le paradigme.

2)Défensive;

La fonction du double comme modalité défensive constitue «  un défi à la puissance de la mort  »[4] .La réduplication du même confère au moi l’ assurance d’une éternité en devenir. Le potentiel défensif s’élargit encore de cette possibilité de secourir " la fragilité de l’unité menacée en créant sa réplique comme un remède.[5] " .c'est en ce sens précis que Jean Guillaumin [6]lie le thème du double à celui de la perte de l'objet de l'auto-conservation. La perte de l'objet induirait selon l'auteur la recherche intarissable d'une représentation du passé.

3)Organisatrice; grâce à son rôle dans la construction de l’objet, c’est la polarité génétique de la fonction du double qui assure le passage de l’auto-érotisme à l’objet, via le narcissisme. Ce passage  s’effectue selon deux modalités  ;par étayage, et /ou par effet de spécularité.

Le double joue un rôle trophique: Il nourrit le narcissisme de reflets imaginaires spéculaires riches de l’intégration de références concordantes et symétriques, projetées dans un autre soi même  idéalisé. Il installe et renforce ainsi le narcissisme.

En ouvrant  aussi le moi à un corpus référentiel autre, sexuel dans son essence, qui aboutira à la construction d' une représentation de l’objet, à partir de l'investissement  homoérotique puis homosexuel de celui ci, il contribue au développement de la bisexualité psychique.

A ce point du développement on constate qu'il ne peut y avoir de définition univoque, du thème du double, mais une pluralité non seulement de sens, mais aussi de tâches. La fonction du double est précisément double  , elle travaille dans deux directions, qui pourtant paradoxalement se recoupent, s' opposent .

Fonctions du double

 

A) Le double " entre signe et figure"

On pourrait considérer que son champ d'action se situe entre «  Entre signe et figure» selon que le thème du double se développe a partir de la mise en jeu du pole perceptif ou représentatif  .

1°Le pole perceptif

-Le double animique en est la forme la plus manifeste. L' autre, son double est indistinct du sujet .Ils entretiennent des rapports marqués par l'indifférenciation, la confusion .

-Le double auto-érotique, permet au sujet de s'auto-eprouver grâce à sa capacité d’auto-observation, à partir de la perception de l'image de lui même qu'il identifie dans le miroir.

2° Le pole représentatif

Le double narcissique est le produit des projections idéalisantes de l’idéal du moi sur l'objet. L’amour pour l’autre soi même constitue un temps homoérotique. Avec le dégagement de cette étape identificatoire singulière, et la construction d'une représentation de soi s'effectuera le passage du narcissisme à l' altérité. Cette construction est complexe, liée à la relation que le sujet entretient avec l' image interne qu'il se fait de lui même, et qu'il échafaude par un effet de spécularisation interne. Cette relation avec ce double interne suppose la mise en jeu d'une activité de la mémoire. La mémoire de soi, organise et se nourrit de ce  double interne. Venu de l'investissement des traces mnésiques qui vont définir ses propres contours, il va donner corps à une représentation de soi dont l'aboutissement jaillirait dans cette affirmation;" c'est bien de moi dont il s'agit" .Moment jubilatoire d' affirmation fragile du sentiment de continuité psychique.

B) Le double comme " Figure de la limite et du paradoxe" [7]

 

Selon que l’on se place du coté du moi ou du coté du narcissisme,  nous voyons que le thème du double est au croisement de deux logiques, qui entretiennent des rapports complexes. Ces deux logiques sont potentiellement porteuses de conflits et le double constitue une sorte d’interface au croisement de leurs champs respectifs. Il marque l’existence d’un conflit originaire irréductible entre la détermination unifiante (réduplication du même) du narcissisme et l’aspiration identificatoire du moi, porteuse de conflits.

Paradoxe  «  originaire  »

 

Le double serait une sorte d’interface entre auto-conservation  et sexualisation médiateur entre  altérité et mêmeté. Permettant le passage de l’auto-érotisme à la investissement de l’objet érotique, la fonction du double construit le moi dans cette double contradiction. Pour Lacan "   Freud lie le moi d’une double référence, l’une au corps propre, c’est le narcissisme, l’autre à la complexité des trois ordres d’ identification."

Pour autant paradoxalement, on sait que l’irruption soudaine du double au sein des représentations engendre, inquiétante étrangeté, confusion parfois même dépersonnalisation, et déstructuration mentale. La répétition du même engendre l’inquiétante étrangeté  .On assiste alors à l'émergence de quelque chose qui était dans l’ombre, qui aurait du y rester, et dont le retour en  débordant le refoulement et les autres procédures défensives, menace l'activité synthétique du moi.

Au  regard du narcissisme; la création du double narcissique flatte l'idéal du moi, et assure la reproduction du même, manifestation de l' auto-conservation, mais à ce titre, il peut être au service de la pulsion de mort  ; le même s’affiche alors comme négation de la subjectivité. Le double régule le fonctionnement de l’économie narcissique[8]:il vise la reproduction de l’identique. Le double narcissique doit se modeler selon les caractéristiques fidèles et immuables de l’objet conduisant à une fusion entre la représentation de soi et cet objet. C’est le temps mimétique de la pure spécularité, de la pure symétrie, de l’indifférencié marqué par le besoin d’étayage, le besoin d’obtenir un appui ,un apport narcissique extérieur pour assurer sa propre existence.

Au regard du moi  ;

La fonction du double contient en elle même une autre valence  , objectale en sa nature. Elle ouvre à la dimension de l’altérité et du désir. Pour cela, elle institue une dialectique relationnelle entre l’identique et le différent. Soustrait à l’identification primaire, le double conduit sur le chemin de l’altérité via le jeu des identifications secondaires. A partir de l'expérience du dédoublement " s’originera" les fondements de la bilatéralité, des doubles identifications, de la  bisexualité psychique. Le motif du double annule et reconnaît la différence des sexes, et joue un rôle majeur dans l’intégration de la différences des sexes.

L’ autre en ouvrant le sujet à l’ altérité bouleverse radicalement le monde de l’équilibre homeostatique.

Le moi fonctionne comme processus intégrateur de ces différentes fonctions du double, de ces courants antinomiques, animés par des finalités à la fois différentes, complémentaires, voire opposées, c’est à dire organisatrices et désorganisatrices à la fois. La finalité de l’une, rappelons le, est la préservation unitaire  ;symétrie  et continuité en constituent les paradigmes et participent à une procédure d’évitement du déplaisir, l'autre bouleverse l'équilibre par la mise en jeu des identifications secondaires, et leur cortège d'ambivalence.

Si le moi est la matrice de l’intégration toujours conflictuelle de courants antinomiques préjudiciables à son unité, au maintien du sentiment de continuité psychique, comment s’y prend il pour réaliser cette intégration?

Une conciliation possible entre ces deux logiques  ?

 

L’hallucination joue un rôle dans l’articulation entre ces deux logiques. Même absent du champ perceptif, elle assure une présence  de l’objet investi, procurant  par cette substitution sporadique le remplacement d’une satisfaction réelle par une satisfaction de nature psychique . Ainsi l'hallucination révèle sa double fonction : maintenir le lien à l'objet absent, évitant la réduplication d'un double confusant, desubjectivant( c'est à dire destructeur), et préserver le narcissisme dépossédé d'un objet étayant.

Réflexions

 

Si la cure, en tant qu’expérience spéculaire, met en scène le thème du double dans la pluralité de ses formes, la répétition transférentielle est l’agent de cette mise en scène. Créateur de double et d’étrangeté, la cure se donne comme lieu de reprise possible des premières intégrations du corps et du langage, fondatrices du sujet, grâce aux liens qu’elle permet de tisser ou de retisser entre les différents «  motifs du double  ».

 La répétition transférentielle secrète les conditions du redoublement, et paradoxalement, du dédoublement du rapport imaginaire à l’autre, et à soi. Le transfert est le lieu géométrique où convergent et se recoupent représentation et langage, l’imaginaire et le symbolique.

La captation imaginaire de l’autre dans le mouvement transférentiel ne sera que pure réduplication, si ce mouvement reste figé dans une pure symétrie aliénante, ayant  pour seul but, de réparer les effets de la perte originaire, celle de l’objet d’auto-conservation. Dans ces conditions, «  L’identification au double serait au service de la recréation de l’objet perdu.  [9]»  

S. et C.Botella[10] ont montrés que le thème du double implique;         

1° Une théorie de l’identification

il s’agit fondamentalement du rapport du sujet à l’image de son semblable, comme matrice de lui même, qui dans le processus  de l’identification  conditionnera son rapport à l’autre, et à lui même. La fonction du double au sein  de la combinatoire des identifications a une valeur heuristique, facteur essentiel de structuration, de transformation du moi, l’enrichissant d’une potentialité nouvelle, initialement spéculaire. L’identification du sujet à son image témoigne des potentialités spéculaires du moi;  le double joue un rôle dans l’activité de représentation de soi via l’identification au même. Ainsi «  le  temps d u double  », est un temps originaire donnant naissance à la construction de sa propre image, et à ses reflets.

La représentation du double perdure au delà du narcissisme primaire, et du rapport spéculaire à l’objet. Elle fournit l’impulsion nécessaire à la création de la    " conscience morale" [11], cousine germaine de l’auto-critique, qui traitera le moi comme un objet. L’ identification au Surmoi définit par Freud comme instance structurale acquise par intériorisation de l’autorité parentale est corrélative de l’acquisition d’une capacité d’auto-observation plus précisément d’autocritique fonctionnant sur le mode d’une spécularisation interne permettant le «  traitement  » de ses propres conflits, à la lumière des idéaux introjectés. Selon la nature de ces idéaux  le Surmoi peut être  pour le moi l’équivalent de son double narcissique[12].

2° Une théorie du narcissisme

L’identification homeomorphique s’appuyant  sur l’analogie des formes tel que le miroir les renvoie, précède l’identification du reflet et du contenu de l’image spéculaire comme double de lui même. C’est l’identification au double spéculaire qui témoigne de l’unification des auto-érotismes, sous l’impulsion «  d’une nouvelle action psychique  ». La relation narcissique à sa propre l’image, consacre la prise de conscience que ce double, c’est bien moi  !Pour Freud, le thème du double est profondément ancré dans l’ idéal du moi. Il en constitue un des prolongements: «    On peut attribuer au double , toutes les possibilités de forger notre destin...et toutes les aspirations du moi qui n’ont pas abouties...    »[13].

 

3° Une théorie de la pulsion de mort.

 

Il s’agit du caractère paradoxal de l’expérience du double dont le pouvoir déréalisant par excès de symétrie, agit comme effacement néantisant de sa propre finitude, comme perte identitaire . L’incapacité à maintenir un degré de différenciation suffisant en résulte, faisant vaciller le sentiment d’appartenance, et la capacité d’auto représentation. En ce sens, l’image spéculaire a un pouvoir déréalisant, porteur de mort. L’illusion de symétrie nourrit les expériences de double, voire de dédoublement  : elle confère au transfert un point maximum de résistance, à l’identité, un point maximum d’incertitude.

4° Une théorie du refoulement.

 

«  L’inquiétante étrangeté  », comme preuve(ou épreuve) du relâchement des procédures de contrôle, illustre comment le moi est alors envahi, débordé par des représentations, des souvenirs ou fantasmes, mettant en scène le sujet lui même. L’échec du refoulement, ou le lâchage momentané de sa fonction, consacre le retour du refoulé[14] , l’irruption du motif du double, dans un moment régressif transitoire est facteur d’étrangeté, de dépersonnalisation, avec l’impression de déjà vu, de déjà entendu  désorganisant le sentiment d’appartenance.  «  On met le moi étranger à la place du moi propre, donc il y a  dédoublement du moi, permutation du moi ,et enfin retour permanent du même[15]...»En introduisant la notion nietzschéenne de «  retour du même  »Freud introduit une causalité qui dépasse le simple dysfonctionnement du refoulement, il préfigure déjà la révision de la théorie des pulsions.

J’ajouterais que le thème du double implique aussi  :

4° Une théorie de la cure.

«  C’est à travers le dévoilement de ses doubles, deux perpétuellement dans la diachronie et dans la synchronie, que s’instaure l’analyse, tout autant dans sa théorie que dans sa pratique  [16]»

Parce que l’analyse est un jeu qui se joue à deux, elle génère de façon singulière des moments d’intimité, de partage d’une expérience commune dont le transfert tisse la trame. L’impression est parfois donnée au patient  qu’il traverse un champ déjà balisé, délimité par le parcours  de l’analyste lui même, où il reconnaît ses propres marques. Ce que vous éprouvez et me faites vivre, je crois savoir ce dont il s’agit, pense t’ il, bien souvent à tord! L’analogie entre les expériences propres à chacun des deux acteurs à sa propre limite. Ce perpétuel renvoi de l’un à l’autre, secrète les conditions d’un authentique fonctionnement en double. Le travail en double[17] ne peut se réduire à un mécanisme d’identification. Il s’agit d’une perception primitive, une appréhension du fonctionnement psychique de l’autre, un mode de relation en prise directe avec l’autre.  Se crée une identité de pensée et de perception entre les deux protagonistes propice à la réorganisation des expériences infantiles traumatiques.

Pourtant l’énoncé de la règle fondamentale, spécifique à la cure psychanalytique, est fondateur d’une dissymétrie entre les deux acteurs. Son acceptation est toujours ambiguë et conflictuelle. L’impression de symétrie résonne en fait comme une virtualité défensive, précisément  contre les effets de cette même règle. Le fonctionnement en double peut être aussi une tentative de contre-investir le pouvoir de la règle fondamentale et son potentiel d’actualisation de problématiques diverses. (absence, mort, bisexualité).Ainsi, chasse t’ il, tout en le révélant, ce qu’il y a de plus étranger, et de plus intime en nous. La quête de l’autre comme référence mimétique idéale et absolue vise à effacer la structuration bisexuelle de notre moi et la blessure narcissique imprimée par cette division.

La double structuration de notre sexualité psychique, est une donnée jamais tout à fait acquise parce que scandaleuse au regard de nos aspirations unificatrices. La recherche de l’unité perdue suppose un renoncement jamais totalement acquis au mythe de l’unité. Pour Platon,  «  l’ amour recompose l’antique nature, s’efforce de fondre deux êtres en un seul, et de guérir la nature humaine  [18]».Trouver son double narcissique et non sexuel, aurait alors cette vertu reconstructrice.

Nous ne pourrons que souligner la pluralité «  des doubles  », à l'œuvre dans le transfert;(le double registre du transfert positif, négatif; le transfert comme double déplacement  dans le temps et sur la personne).La double polarité du transfert telle que Green[19]  l’envisage.(Le transfert sur la parole  et sur l’objet). Enfin, indiquer l’enchevêtrement des deux courants du transfert, narcissique  et objectal.[20]

L’apparition du double influence le contre- transfert; «  je suis, et c’est moi! » résume l’enjeu d’une dialectique de la différenciation du dédoublement entre deux espaces psychiques. L’apparition du double, sorte de parousie teintée d’étrangeté, a toujours une connotation surnaturelle, voire théologique, quelques fois délirante, accomplissant le destin narcissique omnipotent du sujet. Cette apparition peut avoir un effet de sidération pour la pensée de l’analyste.

En même temps, l’analyste doit être non seulement capable d’une manière générale, de créer en lui même un double de soi analogue à la représentation que son patient lui transmet à partir de son expérience  interne, il est en outre, et en particulier en mesure de produire, d’inventer une réplique de lui même dotée d’un autre sexe .

De ce point de vue l’ analyse permettrait le passage d’une catégorie du double à l’autre grâce aux possibilités de transitionnalisation des exigences conflictuelles  du moi face à la fonction du narcissisme dans son goût pour la mêmeté. L’issue de ce conflit entre ces logiques est parfois incertaine.

Ne s’agira t’il pas alors, de déjouer les effets de fascination spéculaire par/ pour le double et de son pouvoir de séduction interne pour permettre  le passage de la capture imaginaire à l’expérience symbolique de la castration en intégrant l’autre comme diffèrent et semblable à la fois .



[1] Couvreur Catherine, Les motifs du double in, Le Double , Monographie de la S.P.P, puf,1995.

[2] Alquié Ferdinand, Le désir d'éternité, Quadrige,PUF, 1996

[3] Wilgowicz, L'art de la fugue ou l'art de vivre avec ses doubles, in la Revue française de psychanlyse, XXX1X (3) 1975.

[4] Rank Otto. Don Juan et le double PBP, 1973.

[5] Green André, Le Double et l'Absent , in la Deliaison, Les Belles Lettres Paris 1992

[6] Guillaumin Jean , L' objet de la perte dans la pensée de Freud, in 48°congrés des psychanlystes de langues française , Geneve 1988.

[7] Baranés Jean José. Double narcissique et clivage du moi, in LeDouble.Monographie de la revue française de psychanalyse, P.U.f, 1995

[8] Bergeret Jean, Le transfert narcissique, in la pathologie narcissique, Dunod , 1996.

[9] Andreoli Antonio. Le moi et son objet narcissique.48°congrés des psychanalystes de langues française. Genève, 1988.

[10] Communication aux 12° Journées Occitanes de Psychanalyse, Toulouse, 1994.

[11] Donnet Jean Luc, Le surmoi freudien et son ambiguïté, in le Bulletin du groupe méditerranéen de la S.P.P, novembre 1993

[12] Donnet Jean luc .(op.cit)

[13] Freud Sigmund. L'inquiétante étrangeté et autres essais. N.r.f, Gallimard 1985.

[14] On pourrait dire que le thème du double consacre une métapsychologie du caché et de l'enfoui

[15] Freud Sigmund .(op.cit)

[16] Cain Jacques .Le double jeu , essai psychanalytique sur l’identité , Payot,1977.

[17] Botella S.C.L' homosexualité inconsciente et la dynamique du double en séance, Revue française de psychanalyse n 4

[18] Platon. Le banquet .GF. Flamarion 1964.

[19] Green André. Le langage dans la psychanalyse, 2°Rencontres psychanalytiques d’Aix -en -Provence, les Belles Lettres, 1984.

[20] Godfrain Jacqueline. Les deux courants du transferts, P.u.f. 

 
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