La médecine et le judaïsme face à l’euthanasie Rabbin Itzhak Benhamou, Dr Fabrice Lorin, Dr Simon Benamran « Hélas ! Ne mourez pas Monsieur ; suivez plutôt mon conseil et vivez encore longtemps. Parce que la plus grande folie que puisse faire un homme dans cette vie, c’est de se laisser mourir tout bêtement, sans que personne ne le tue, et que ce soient les mains de la mélancolie qui l’achèvent » Sancho Pansa à Don Quichotte Cervantès (juif marrane) I Introduction par Dr Fabrice Lorin L’allongement de l’espérance de vie dans les pays occidentaux et la modernisation de la médecine, ont développé des questions sur la fin de vie et l’acharnement thérapeutique. La médecine est devenue technique et peut devenir tragique. La médecine engendre aussi des handicaps dont le plus fameux est la vieillesse. Certains pays ont modifié leur appareil législatif pour répondre à ces nouvelles situations. 600 000 personnes décèdent par an en France dont 60 % en hôpital, 15 % en maison de retraite et 25 % à domicile. Donc ¾ des décès en institution, ¼ à la maison. Que nous dit la loi juive sur l’euthanasie ? Le Rabbin Itzak Benhamou, rabbin de Montpellier, répondra à cette question. Comment concilier les deux mitzvot « tu ne tueras point » et « Aimez-vous les uns les autres » ? Si la médecine et le serment d’Hippocrate représentent Athènes, c’est un dialogue entre Athènes et Jérusalem qui se déroule ici. Deux civilisations se penchent sur un sujet de société. Mais à côté du religieux et du médical, il y a un 3ème terme dans ce débat : le corps social. Le citoyen du monde occidental et le citoyen français en particulier, veut que la législation évolue. Que le droit s’ouvre à la modernité, à la décision libre de l’individu de vivre ou de mourir. II La loi juive sur l’euthanasie par le Rabbin Itzhak Benhamou (transcription d’une conférence) La question de l’euthanasie se présente de plus en plus, devant des situations tragiques, où la mort devient le plus doux des remèdes. Certains revendiquent alors le droit « du meurtre par amour ». La valeur absolue de la vie devient floue et notre système de réflexion est perturbé. Quel que soit la décision que nous prendrons, nous aurons des remords. Il faut donc connaitre la loi juive, parce que ce que la loi nous dicte c’est la volonté de Dieu et lorsque nous faisons la volonté de Dieu, nous prenons la bonne décision ; et notre culpabilité diminuera. Voici les grandes lignes des conceptions juives concernant la question de l’euthanasie. 1- La loi de base 2- Les exceptions à la règle 1- La loi de base : dans le Shoul’hane A’hour dans le tome Iore Dea chapitre 331 alinéa 1 et mêmes références dans le livre a’hour hashoul’hane « Il est interdit de faire quoique ce soit pour hâter la mort. Et même si nous voyons qu’il souffre beaucoup dans son agonie et que la mort lui serait douce, il nous est néanmoins défendu de faire quoique ce soit pour hâter la mort, le monde et ce qu’il contient appartiennent à Dieu et tel est sa volonté». La loi nous dit qu’il est interdit d’abréger la vie d’un malade. Cette loi est basée sur un verset du prophète Ezéchiel qui rapporte une parole de Dieu : « Toutes les vies sont à moi, la vie du père comme la vie du fils, elles sont à moi ». Dieu nous dit qu’il donne la vie, c’est lui qui a le droit de la reprendre quand il le désire et en aucun cas un être humain pourra intervenir dans cette décision. Il y a une histoire dans la Bible qui pourrai laisser paraitre l’inverse de ce qui précède. Il y a 3000 ans, le premier roi d’Israël Saul est en guerre contre les philistins, ils gagnent la guerre, des soldats s’approchent de Saul et le blessent à mort. Il agonise. Le roi Saul demande à un jeune soldat de l’achever. Il l’achève. Plus tard ce jeune homme va voir le 2ème roi d’Israël, le roi David et il lui raconte ce qu’il a fait au roi Saul. Mais le roi David décide de condamner à mort ce jeune homme en lui disant « tu as tué un roi d’Israël ». Alors le judaïsme ne tient-il pas compte de la souffrance humaine ? Est-il sans pitié ? Pourtant il est écrit dans le Talmud que la pitié est une vertu spécifique au peuple juif. Dans bien des cas le judaïsme prend en compte la souffrance humaine. Quatre exemples vont l’illustrer. Exemple 1 tiré du Talmud traité Baba Kama page 51A « Choisis pour lui une belle mort comme il est écrit tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Dans ce passage du talmud, on parle du condamné à mort auquel on avait l’obligation d’administrer une potion anesthésique pour ne pas qu’il souffre au moment de la mise à mort. A plus forte raison si un condamné à mort ne doit pas souffrir, un malade encore moins. Exemple 2 tiré des Psaumes (Tehilim), psaume 32 verset 6 « C’est ainsi que priera tout homme pieux au moment propice ». Quel est ce moment propice ? Le Talmud traité Berakhot page 8A nous dit que c’est le moment où la personne va mourir et qu’il est bon de prier à ce moment-là pour demander à Dieu de ne pas nous faire souffrir. Exemple 3 sur la souffrance animale. Il est interdit dans la Torah, au moment où on laboure un champs d’atteler un âne avec un taureau. Ils n’ont pas la même force, l’âne souffrirait. Exemple 4, Deutéronome 11-15, Dieu dit « J’ai mis de l’herbe dans ton champs pour ton animal, tu mangeras et tu te rassasieras ». On donne d’abord à manger à l’animal et ensuite l’homme mange et se rassasie. L’animal pourrai souffrir de voir l’homme manger alors que lui n’a pas mangé. La Torah est très attentive à la souffrance animale et donc à la souffrance humaine. L’euthanasie interroge deux valeurs juives. D’ une part la souffrance humaine, d’autre part le respect de la vie. Qu’est-ce qui l’emporte ? La loi donne la primauté à la vie, son caractère est sacré et absolu pour le judaïsme. Dans le Lévitique 18-5, il est écrit à propos des commandements de la torah « et tu vivras par eux ». Si un commandement devait aboutir à la mort, il ne faut pas obéir à ce commandement. Toute la torah s’efface face à la vie. Dieu lui-même se met en retrait face à notre vie. Dans le Psaume 118 verset 18, « Dieu m’a fait souffrir, mais au moins il ne m’a pas livré à la mort ». Pour le roi David il vaut mieux souffrir que de mourir. Un instant de vie a une valeur suprême. La vie momentanée est indépendante de la qualité de vie. Rien nous permet de mesurer le prix de la vie dont la valeur est inquantifiable. La qualité de vie est indépendante de la valeur de la vie. Attenter à un instant de vie c’est devenir un meurtrier. Dans le traité Shabbat du Talmud page 151B, il est dit « Celui qui ferme les yeux d’un agonisant est un meurtrier, c’est comme une bougie en train de s’éteindre, si un homme met le doigt dessus, elle s’éteint aussitôt ». Cet interdit de l’euthanasie existe même si le malade donne l’autorisation au médecin de pratiquer l’euthanasie. Dans le judaïsme, il n’y a aucune différence entre une personne qui se suicide et une personne qui donne à une autre personne l’autorisation de la tuer. La vie ne nous appartient pas. Ni au malade, ni au médecin. C’est donc interdit pour le malade comme pour le médecin juifs. Peut-on mettre en rapport la valeur de la vie et la qualité de vie ? On se heurte à un problème énorme : comment définir la qualité de vie ? Prenons l’exemple d’une personne qui a un problème cérébral. Comment définir le niveau correspondant à une qualité de vie acceptable et une éventuelle qualité inacceptable, donc une mort préférable ? La même question pour la douleur, la souffrance. Comment définir l’intensité de la souffrance qui autoriserai de vivre ou de mourir ? Qui va définir la qualité de vie ? Le malade seul ? Sa famille ? Le médecin ? La société ? Mon professeur disait « on est passé de l’Etat nazi à l’euthanasie ». On peut être sur une chaise roulante, branché à un respirateur artificiel et…apporter énormément à la société. Pour mémoire Stephen Hawking le grand scientifique. Si on l’avait euthanasié il y a dix ans, ce serait de multiples découvertes scientifiques perdues pour l’humanité. Qui a le droit de vivre ou pas sur cette terre ? En conclusion, dans le judaïsme, on ne lie pas la qualité de vie avec la valeur de la vie. 2- Les exceptions à la règle Dans le judaïsme, on distingue trois types d’euthanasie. L’euthanasie active, l’injection d’une dose léthale, l’euthanasie passive avec deux sous-catégories : le fait de cesser un soin, le fait de ne pas engager un nouveau soin. L’euthanasie active est interdite dans le judaïsme. C’est considéré comme un meurtre donc interdit. L’euthanasie passive est-elle un meurtre ? Non mais elle tombe sous le coup d’un autre interdit, celui de non-assistance à personne en danger. Car la non-assistance en danger existe dans la bible, Lévitique 19-16 « tu ne t’élèveras pas contre le sang de ton prochain ». Qu’est-ce que l’assistance ? C’est si elle est profitable pour une personne en danger. Mais si la personne en danger préfère mourir plutôt que vivre avec ses souffrances, l’assistance n’est plus profitable à la personne. D’ autres réfutent cette thèse en disant que nous ne sommes pas prophètes et qu’on ne peut exclure la découverte future d’un traitement qui soulagerai le malade. L’assistance pourrai donc être future même si elle n’est pas efficiente dans le présent. Cela reste une question complexe. Cesser un soin déjà mis en œuvre, comme débrancher une personne d’un respirateur ou d’une perfusion, est assimilé à une euthanasie active. C’est interdit. Il ne reste qu’une seule solution : ne pas engager un soin. Est-ce autorisé ? Il faut distinguer deux types de soins : les besoins naturels d’un malade ou soins dits ordinaires (boire, manger, oxygène, antibiotiques) ils doivent être assurés sinon c’est considéré comme une euthanasie active. Enfin les soins extraordinaires. C’est la seule éventualité autorisée dans le judaïsme. Par exemple recourir à une réanimation, un électrochoc, brancher une respiration artificielle, faire une intervention chirurgicale. Alors nous avons le droit de ne pas engager le soin si le malade est incurable et en proie à de grandes souffrances. Pour permettre une euthanasie il faut donc trois critères réunis : une euthanasie passive, ne pas engager un nouveau soin extraordinaire, une grande souffrance. S’il manque l’un de ces trois éléments -par exemple un coma sans souffrance- nous aurons l’obligation d’engager les soins même extraordinaires. Enfin, abordons la question de la morphine. Elle soulage la douleur et elle est adaptée aux soins palliatifs, mais elle ne doit pas être utilisée à dose létale car elle est assimilée alors à une euthanasie active. Si l’intention du praticien est de mettre un terme à la vie du patient, c’est interdit. Si l’intention est de soulager la souffrance mais la dose peut aussi entraîner une mort certaine, c’est aussi interdit. Si l’intention est de soulager la douleur sans obligatoirement entraîner la mort, c’est autorisé. Pour conclure, le Talmud dans le traité Berakhot 60A nous dit : « Dieu a donné la permission aux médecins de guérir, mais de donner la mort consciemment à un malade ne fait plus partie du cadre de la mission d’un médecin ». Dans la difficile confrontation entre le souci d’atténuer la souffrance et l’interdit de supprimer la vie, la primauté doit être accordée à la vie sur la souffrance. Si le judaïsme s’oppose à l’euthanasie, il réprouve également l’acharnement thérapeutique dans des situations précises en donnant le droit à une euthanasie passive. III La loi française et l’euthanasie par le Dr Fabrice Lorin 1- Les grandes définitions 2- L’évolution de la loi française 3- Les problèmes éthiques soulevés 1- Les grandes définitions Définition : l’euthanasie en grec veut dire « la bonne mort ». Ce terme a été inventé par Francis Bacon, médecin et philosophe en 1605 dans Du progrès et de la promotion des Savoirs : « J’estime que c’est la tâche du médecin, non seulement de faire retrouver la santé mais encore d’atténuer la souffrance et les douleurs, et ce non seulement quand un tel adoucissement est propice à la guérison mais aussi quand il peut aider à trépasser facilement et paisiblement…les médecins devraient à la fois perfectionner leur Art et apporter du secours pour faciliter et adoucir l’agonie et les souffrances de la mort». L’euthanasie passive : elle consiste à cesser un traitement curatif actif ou à arrêter l'usage d'instruments ou de produits maintenant un patient en vie. La loi Leonetti l’autorise. L’euthanasie active: une injection létale dans une structure de soins. Autorisé au Colombie, Luxembourg, Pays-Bas et Belgique Le suicide assisté : une ordonnance médicale est délivrée au patient conscient qui va prendre le poison ou s’injecter le poison, pour se suicider hors d’une structure de soins. C’est le patient qui déclenche sa mort et non un tiers. Autorisé en Suisse, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, cinq états de l’Ouest des États-Unis, Canada. 2- Evolution de la loi française Avant la loi Kouchner, les médecins faisaient ce qu’ils voulaient. Le nom de code était « cocktail lytique » à l’époque DLP Dolosal Largactil Phénergan. Maintenant la recette mortelle est constituée de morphine et midazolam (Hypnovel). En 2002 le loi Kouchner sur les droits des malades : « doit s'abstenir de toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique et peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n'ont d'autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie » En 2005 et la loi Leonetti , les 3 fondamentaux : 1) elle interdit l’obstination déraisonnable ou l’acharnement thérapeutique, elle limite l’emploi du traitement actif. 2) elle offre la possibilité de limiter ou d’arrêter le traitement au risque de sa vie 3) elle offre d’écrire des directives anticipées dans le cas où il lui deviendrait impossible d’exprimer sa volonté. Elle ne dépénalise ni l’euthanasie active, ni le suicide assisté, elle ne prévoit pas les cas de néonatologie (la Belgique a étendu sa loi à tous les enfants), les très grands vieillards, les douleurs intraitables, La Belgique dépénalise l’euthanasie active depuis 2002 2016 loi Leonetti-Clayes : modifications sur les soins palliatifs, les directives anticipées et la personne de confiance. La loi instaure également la sédation profonde et continue jusqu’au décès. En pratique une perfusion sur 3 jours d’un cocktail létal. Mars 2018 en France: 156 députés demandent une nouvelle législation autorisant l'euthanasie active. Si la loi entrée en vigueur en France en 2016 a apaisé le débat sur la question de l’accompagnement des malades en fin de vie, reste à mieux faire connaître les soins palliatifs. "Il convient de donner aux malades en fin de vie la libre disposition de leur corps et, c’est essentiel, de leur destin. C’est pourquoi nous, députés issus d’horizons différents, proposons de légiférer en ce sens au cours de l’année 2018". Ils sont en faveur du suicide assisté et de l’euthanasie active. Quand on sait que 95 % des français sont pour une euthanasie active, Les députés surfent sur une opinion publique favorable. Mais le rapport est quasi inversé puisque seulement 20 % des médecins sont prêts à pratiquer l’euthanasie active. En pratique, il y a 3 situations différentes: Les personnes conscientes : lois belges et hollandaise Les personnes dégradées sur le plan intellectuel Les personnes inconscientes 3- Problèmes d’éthique médicale soulevés : Un médecin prête le serment d’Hippocrate, comment peut-il donner la mort ? La vocation du médecin est de soigner, de guérir, de prévenir, surement pas de tuer et chaque décès peut être vécu comme un échec 60 % des médecins sont d’accord pour l’euthanasie active mais seulement un tiers accepterait de participer. 95 % des médecins demandent que soit garantie leur clause de conscience, c’est-à-dire de pouvoir refuser cet acte . 3-1 La bonne mort ne fera pas disparaître le problème de la mort La bonne mort existe-t-elle ? On meurt toujours mal, personne n’est consentant dans ce drame de la mort, et personne n’accepte la mort de ceux qu’il aime. Une bonne mort est-ce une mort subite et accidentelle ? En pleine possession de ses moyens physiques et intellectuels? C’est alors injuste et privé de sens. Au contraire une mort lente ? Au terme d’un long déclin ? D’ un détachement du monde ? Mais alors le déclin est vécu comme trop douloureux soit le détachement du monde est trop douloureux soit on n’est pas assez détaché du monde pour mourir… La « bonne mort » est un oxymore, ou un idéal régulateur. Sans avoir vocation à exister réellement, cette idée peut guider nos efforts. La médecine a effectivement son rôle à jouer dans cet effort vers la « bonne mort », mais elle y est bien seule, à côté de la religion. Cela ne fera pas disparaitre le problème de la mort. Pourtant la médecine engendre des handicaps et le plus fameux est la vieillesse, qui n’est plus une exception mais grâce à la médecine elle est devenue la norme. Les vieillards sont toujours plus dépendants donc handicapés. La médecine répare tout sauf le cerveau. Nous ne devenons pas des « êtres pour la mort » au sens de Heidegger mais des êtres pour la démence sénile. La démence sénile est notre avenir. Pouvons-nous accepter cet avenir ? Pour échapper à un malheur, ne risque-t ‘on pas de provoquer un malheur plus grand qui touchera tout le monde? Dans les pays qui ont légalisé l’euthanasie active, elle représente 1-2 % des décès prévus. En Belgique, après 16 ans, le nombre n’augmente pas. Mais une loi touchera les 99 % qui ne désirent pas l’euthanasie seront touchés car la loi a une portée pratique et hautement symbolique. 3-2 Dignité/indignité Pour la principale association qui milite pour cette Loi, la mort hors euthanasie, est une mort indigne. Dans une société de performance, Être vieux, malade, dément, impotent, handicapé, c’est être indigne…Si vous êtes vieux et malade, voulez-vous qu’on vous assène qu’en plus vous êtes indigne avec la force de la Loi ? L’immense majorité de ces gens a envie de vivre. Quand les médias font l’apologie d’un homme (Hugo Klaus) qui se fait euthanasier en toute conscience à un stade débutant d’Alzheimer, cet homme a une attitude « digne noble et courageuse », les autres entendent que leur attitude de se cramponner à la vie comme un parasité, est indigne, lâche et minable. Dépénaliser c’est culpabiliser. Les médecins sont plus confrontés à l’angoisse des personnes à qui on signifie que leur place n’est plus sur terre, pour leur Bien…une pression morale qui peut venir du corps médical pour des raisons économiques mais qui vient surtout du corps social obsédé par la performance. Faut-il vivre à tout prix la vie pour la vie ? Au sens d’un Conatus biologique de Spinoza. Y-a-t ’il un moment où on n’est plus que cela ? As t’on le droit de ne pas être réduit à l’hébétude du besoin, au seul de désir de la vie pour la vie ? N’avons-nous pas le droit d’être vivant et conscient jusqu’à la mort ? Il y a chez les grands malades la souffrance physique mais aussi la souffrance d’être mis à part ; ils voudraient justement de ne pas vivre seulement comme un être biologique. Une relation d’échange existe toujours avec l’entourage, si on sait la lire. Le pire est de leur signifier qu’ils n’ont plus rien à apporter à personne. L’euthanasie c’est leur dire qu’ils sont débiteurs, ils n’apportent plus rien à personne. Ils sont hors-jeu, hors-combat. Le mieux est donc qu’ils ne soient plus là. Mais en pratique, malgré la dégradation, les grands malades ont envie de sentir que nous souhaitons qu’elles restent parmi nous. Les plus effrayées par les projet d’euthanasie active, sont les associations d’handicapés trisomique, polyhandicapés, ou Alzheimer. L’immense majorité des personnes veut vivre. Et si on ne leur donne pas cette chance parce que de l’autre coté il y a une solution simple, peu coûteuse, efficace et « digne »… 3-3 La relation soignant/soigné Enfin la possibilité de l’euthanasie active bouleverse gravement la relation soignante. Il y a une rupture morale à faire une injection létale. En Belgique, les familles deviennent soupçonneuses d’un coup de pouce euthanasique médical à l’hôpital, si l’hôpital a besoin de lits « avec ces médecins belges, on ne sait jamais ce qui se passe, au moindre problème on file en France où on ne risque pas d’y être achevé discrètement ». Il y a une perte de confiance dans les médecins. Conclusion : les médecins sont pris en tenaille entre les euthanasieurs et les pro-life. Les euthanasieurs ont peur de l’acharnement thérapeutique, les pro-life ont peur que les médecins n’en fassent jamais assez. Les médecins sont victimes de l’illusion de toute-puissance qu’ils ont contribué à faire naître dans l’esprit des gens. Mais en fin de vie, cette toute-puissance se heurte au fait que justement les médecins ne sont pas tout-puissants. Il y a un parallèle troublant entre le droit à l’euthanasie, la disparition des arrières-mondes religieux, le remplacement par une Jérusalem scientifique sise dans la Silicon Valley et le transhumanisme. Il y a un parallèle troublant entre l’interdiction du glyphosate au nom de l’écologie et de la vie, et la libéralisation de l’euthanasie. L’euthanasie est-elle le glyphosate de la vie ? Le MIT de Boston développe la « Machine morale » qui résoudra les dilemmes moraux de l’intelligence artificielle. A la base équiper les futures voitures automatiques d’un logiciel de décision morale. La Machine morale choisit actuellement d’écraser une personne âgée plutôt qu’un enfant ou une femme enceinte, en cas de dilemme moral sur la route. La majorité morale tranche donc pour éliminer les vieux en priorité. Yehoushoua Leibowitz nous dit que l’euthanasie se prétend être charitable envers l’agonisant. « Mais en vérité, nous sommes charitables envers nous-mêmes. Nous voulons nous débarrasser de lui. L’euthanasie est un mensonge de la société ».
|