Dr Fabrice LORIN
Psychiatre des Hôpitaux
Centre d’ Evaluation et de Traitement de la Douleur Chronique
CHU de Montpellier
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Cours Faculté de médecine, Capacité Traitement de la douleur
LES ANXIOLYTIQUES - LES HYPNOTIQUES- LES ANTIDEPRESSEURS - LES NEUROLEPTIQUES- LES NORMOTHYMIQUES (stabilisants de l'humeur)
Introduction :
La prescription et l'utilisation d’une classe de médicaments spécifiques, les psychotropes en l’occurrence, sont rarement explicitées dans la prise en charge de la douleur chronique. Pourtant ils sont très employés en algologie et ils restent proches de leur usage en psychiatrie. L’imagerie dynamique par le TEP scan nous montre les projections corticales de la douleur physique et de la souffrance morale : elles sont voisines et juxtaposées sur l’aire cingulaire antérieure. L’approche neurobiologique confirme l’importance des neuromédiateurs dans la douleur et la dépression ; ils sont souvent identiques et impliqués dans les deux. La neurobiologie et l’imagerie fonctionnelle confirme la clinique et la grande proximité entre les 2 sensations, déjà repérée par les philosophes grecs. Ensuite la douleur chronique s'accompagne très souvent d'une comorbidité avec le syndrome anxieux, le syndrome dépressif, les troubles du sommeil ou les troubles graves de la personnalité. L'étude approfondie des troubles psychiques sous-jacents à la douleur chronique montre un vaste éventail allant du simple trouble anxieux réactionnel à la psychose chronique. La connaissance et le maniement des psychotropes en algologie sont donc indispensables. Par ailleurs certains psychotropes ont une action antalgique spécifique sur laquelle je reviendrais. Cependant, la prise en charge psychologique et/ou psychothérapique, reste primordiale. La complexité de l'être humain ne peut se résumer à un presse-bouton neurobiologique. Comme en psychiatrie, le soin de la douleur chronique ne saurait être exclusivement chimique. Le relation et le transfert gardent toute leur efficience. Une réflexion sur l'anthropologie de la douleur et son traitement n'est pas à délaisser. La thérapeutique doit rester ouverte, duale et synthétique, neurobiologique et psychodynamique. Il ne faut pas mépriser la matière. Alors en route vers la machine!
I- LES ANXIOLYTIQUES OU TRANQUILLISANTS
La prescription des anxiolytiques doit être abordée en tenant compte à la fois des indications mais aussi du problème de leur consommation importante constatée en France.
25 à 30 % des adultes en population générale utilisent des anxiolytiques ou des hypnotiques occasionnellement ou régulièrement sur une année.
Les consommateurs chroniques représentent 6 % de la population globale. Les quantités de médicaments anxiolytiques distribués sont deux à trois fois plus importantes en France que dans la plupart des pays industrialisés. Pourquoi une telle performance hexagonale?
L’anxiété est très fréquente en population générale et la limite entre anxiété normale et pathologique est parfois difficile à préciser. L'autre élément essentiel expliquant une consommation importante est la dépendance.
Certains sociologues avancent aussi l'hypothèse du « bien vivre ». La France est le pays de Rabelais, de la bonne chère et de la qualité de vie. Les Français aiment jouir de la vie et ne supporteraient pas l'anxiété, la dépression ou la douleur. D'où une forte consommation de produits touchant à ces domaines. Je vous laisse juge de cette hypothèse.
1 - Les benzodiazépines BZD
Elles ont vu le jour en 1959, et elles sont les psychotropes les plus prescrits. Des études épidémiologiques ont montré que le TAG, Trouble Anxieux Généralisé, concerne 5 % des populations quelques soit la latitude.
1-1 Propriétés pharmacologiques : les BZD ont en commun 4 propriétés :
* anxiolytique
* sédatives
* anticonvulsivante
* myorelaxante
1-2 Les récepteurs aux benzodiazépines.
En 1977, les recherches concluent à l'action des
Benzodiazépines (BZD) par renforcement du fonctionnement GABA-ergique. L'acide gamma-aminobutyrique est le principal neuromédiateur à effet inhibiteur chez l'homme. En plus de ses récepteurs centraux, il existe des récepteurs périphériques pour lesquels certaines benzodiazépines ont une grande affinité et qui sont présents dans le foie, le rein, et d'autres tissus périphériques. Au niveau central les BZD se fixent essentiellement sur le site nanomolaire de type BZ2, alors que le Stilnox se fixe sur le site BZ1.
1-3 Pharmacocinétique.
De caractère lipophile les BZD ont un passage rapide à travers les membranes. Elles sont presque toutes insolubles dans l'eau. L'absorption peut être par voie orale (complète et élevée), intramusculaire (plus lente et plus erratique), rectale (Variable d'un sujet à l'autre) ou intraveineuse (donnant les pics plasmatiques les plus élevés et les plus favorables à un passage dans le SNC).
A noter que les benzodiazépines passent la barrière placentaire et sont retrouvées dans le lait maternel.
Par voie orale la résorption est presque toujours complète du fait de leur bonne liposolubilité.
Le pourcentage de liaison aux protéines est toujours très élevé pour l'ensemble des BZD. Il n'y a pas à redouter l'interférence médicamenteuse majeure par un mécanisme d'interaction avec la liaison protéique.
Chez les sujets âgés le volume de distribution est le plus souvent augmenté contribuant ainsi à l'allongement de la demi-vie.
Élimination : essentiellement dans les urines. Lorsqu'on recherche un effet hypnotique il semble judicieux de choisir plus particulièrement une BZD a demi-vie courte pour éviter les problèmes d'accumulation et les effets résiduels au cours des prises itératives.
LES BZD à demi-vie longue présentent moins d'inconvénients que les demi-vies courtes quant à leur participation un éventuel syndrome de sevrage.
1-4 les effets secondaires :
Les BZD sont des médicaments peu toxiques et les doses susceptibles de provoquer des intoxications sont très supérieures aux doses thérapeutiques et n'entraînent jamais de décès si d'autres traitements ne sont pas associés.
L'effet sédatif :
Il est parfois recherché par le prescripteur. Mais dans la plupart des cas cet effet est gênant et survient à des posologies proches des posologies anxiolytiques. Les troubles de la vigilance : la somnolence ou la confusion traduisent un surdosage. Mais une altération des performances est le plus fréquemment retrouvée aux doses thérapeutiques, d'où la précaution d'emploi chez le conducteur d'engins ou d'automobiles.
L'effet amnésiant :
Les effets amnésiant ont surtout été étudiés en anesthésiologie. Ce sont alors des effets recherchés pour éviter aux patients de se souvenir d'événements désagréables. Par contre en ambulatoire l'amnésie devient un effet indésirable. Elle est de type antérograde et survient chez tous les malades des que l'on utilise des doses élevées, les sujets âgés étant particulièrement sensibles. Les molécules à résorption rapide provoquent les amnésies les plus spectaculaires.
Effets dés-inhibiteurs :
Chez l'animal comme chez l'homme, les BZD permet une facilitation de l'action ressemblant à celle observée avec l'éthanol. Cet effet est bénéfique quand l'anxiété ne permet plus au sujet d'agir mais cela permet le passage à l'acte de sujet impulsif comme les enfants hyperkinétiques, les sujets alcooliques, les sujets âgés et excités. On parle d'effet paradoxal. À fortes posologies cet effet disparaît remplacé par l'effet sédatif. L'effet dés-inhibiteur peut cependant être la cause de tentative de suicide.
La dépendance :
Après traitement prolongé, on peut observer une dépendance qui rend le sevrage difficile. Les signes cliniques sont alors : fatigue physique, troubles du sommeil, céphalées, vertiges, tremblements, sudation, constipation. Il est donc recommandé de pratiquer une diminution progressive sur plusieurs jours.
1-5 Interactions médicamenteuses :
Action potentialisée avec les antidépresseurs, neuroleptiques, lithium, morphiniques, et éthanol.
Action réduite avec carbamazépine, phénytoine qui sont des inducteurs enzymatiques.
L'effet des antidépresseurs peut être diminué par l'association aux benzodiazépines.
1-6 Les contres indications :
La myasthénie, l'insuffisance respiratoire grave, l’allergie aux BDZ.
En pratique en algologie, nous utlisons souvent le Tranxène en perfusion durant l'hospitalisation puis le Xanax en per os lors du suivi en ambulatoire. Le Rivotril est également fréquement employé dans les douleurs neuropathiques.
2 -La buspirone (Buspar)
C'est un dérivé qui ne peut être rattaché au plan chimique à aucun médicament actuellement utilisé il se rapproche par sa structure de la Clozapine.
Mécanisme d'action :
il n'agit pas sur les récepteurs Gaba par contre la buspirone se lie aux récepteurs 5-HT1A donc interfère avec le système sérotoninergique. La buspirone se lie aussi avec des récepteurs dopaminergiques en bloquant les sites présynaptiques. La buspirone a un faible pouvoir d'inhibition sur l'activité motrice, elle n'est pas anticonvulsivante, ni myorelaxante.
Après une résorption par voie orale très rapide le pic plasmatique est atteint en moins d’une heure.
3 - L'hydroxyzine (Atarax)
Elle agit entre autre sur le récepteur H1, récepteur de la sédation. Mais également sur le récepteur 5HT2C, récepteur de la satiété, d’où la prise de poids possible.
Elle est commercialisée sous trois formes galéniques (comprimé, sirops, injectables) et elle est prescrite dans le cas de manifestations mineures de l'anxiété. L’injection IV est interdite depuis quelques mois suite à de rares nécroses au point d’injection. Aussi utilisée en prémédication d'anesthésiologie ou d'examens radiologiques pénibles. Enfin elle est aussi indiquée dans le traitement symptomatique de manifestations allergiques comme des rhinites spasmodiques, conjonctivite, urticaire.
Elle est un dérivé de la pipérazine non apparentée chimiquement aux phénothiazines. Elle n'a pas d’effet dépresseur cortical mais inhibe l'activité de certaines régions subcorticales. Elle permet une action sédative sur la tension émotionnelle et l'anxiété, et favorisent ainsi le contrôle de l'émotivité et de certaines réactions neurovégétatives. La durée d'action est de 6 à 8 heures. Elle est une bonne alternative aux BZD pour les personnes âgées, car dépourvue d’action myorelaxante, elle minore le risque de chute.
4- L'étifoxine (Stresam)
Elle est indiquée et dans les manifestations psychosomatiques de l'anxiété notamment en expression cardio-vasculaire. Elle n'entraîne pas d'effet rebond ni de pharmacodépendance psychique ou physique. Elle exerce une action régulatrice neurovégétative.
5 -Les carbamates
Le principal est le méprobamate (EQUANIL) utilisé depuis 1955. En pratique courante, citons : l'EQUANIL, PROCALMADIOL, MEPRONIZINE.
Les carbamates ont 3 propriétés :
* anxiolytique
* sédative
* myorelaxante
Le méprobamate est indiqué dans l'anxiété en particulier en prémédication et dans les contractures douloureuses réflexes.
Son action s'effectue par une inhibition sous corticale au niveau de la formation réticulée et du thalamus. C'est donc un anxiolytique par diminution de l'excitabilité du système limbique.
L' hydroxyzine, l'étifoxine et le méprobamate n'ont jamais vraiment été évalués chez l'homme dans le trouble anxieux généralisé !
6 - Venlafaxine (Effexor) et la Paroxétine (Déroxat)
Ces deux antidépresseurs ont désormais l'AMM dans le traitement du TAG qui dure depuis plus de six mois. Ces deux produits ont un délai d'action plus long que celui des benzodiazépines, ils n'agissent qu'au bout de 3 semaines et ont une taille d’effet plus faible de 2 à 3 points sur l’échelle d’anxiété d’Hamilton. En revanche, leur efficacité semble durer plus longtemps que celle des benzodiazépines qui s'arrêtent après un ou deux mois. Ces deux médicaments sont aussi utilisés dans le traitement du trouble panique AP, de l'anxiété sociale, et du TOC.
7 -Aspects particuliers de la prescription
Certaines précautions sont à prendre selon l'âge et le terrain.
7-1 Chez l'enfant, les traitements anxiolytiques sont mal codifiés. L'enfant semble plus vulnérable vis-à-vis d'effets secondaires graves comme les effets paradoxaux. Même s'il n'existe pas de données de suivi au long cours suffisantes, il est probable qu'une utilisation précoce des anxiolytiques favorise les conduites addictives ultérieures. Chez l'enfant et chez l'adolescent, les anxiolytiques sont donc à éviter et à réserver aux formes graves perturbant le développement et l'adaptation.
7-2 Le sujet âgé est un consommateur important de benzodiazépines. Par principe, les posologies de début de traitement sont à réduire de moitié. Le sujet âgé est plus sensible aux effets paradoxaux comme aux autres effets secondaires notamment mnésiques. Le risque de chute due à la sédation est une réalité fréquente avec son risque de fractures liées à la prévalence de l'ostéoporose. Chez les personnes âgées, il est préférable d’utiliser des BDZ de ½ vie courte comme Xanax Temesta Seresta et Veratran et éviter les BDZ à ½ vie longue comme Lexomil, Valium, Tranxene, Nordaz, Victan, Noctran, Urbanyl, Lysanxia.
7-3 La femme enceinte. Il est de règle d'arrêter tout anxiolytique pendant toute la durée de la grossesse. Mais ce n'est pas toujours facile et bon nombre de femmes enceintes prennent des anxiolytiques. Le risque tératogène des BZD n'a pas été prouvé. La prise de BZD pendant la grossesse expose à deux risques pour le nouveau né : le syndrome du « bébé mou » (hypotonie, hypothermie, détresse respiratoire, difficultés de succion, tableau généralement en régression en quelques jours) et le syndrome de sevrage (hyperexcitabilité, trémulations, crises convulsives).
7-4 Les sujets présentant des conduites addictives à d'autres produits, la prescription d'anxiolytique doit être prudente. Les toxicomanes utilisent souvent des anxiolytiques à visée thérapeutique. Les anxiolytiques peuvent potentialiser l'effet des opiacés et de la méthadone. Rarement des conduites addictives aux anxiolytiques eux-mêmes sont observées.
Conduite à tenir en cas de surdosage : le risque léthal est exceptionnel lorsque l'anxiolytique est ingéré seul. L'utilisation d'un produit antidote comme le flumazenil Anexate peut améliorer les troubles de la conscience et éviter une intubation trachéale.
II – LES HYPNOTIQUES
Un hypnotique est une substance capable d'induire ou de maintenir le sommeil avec pour contrepartie une action dépressive sur le système nerveux central et respiratoire, l'augmentation des doses pouvant conduire à un coma. Les troubles du sommeil sont très fréquents en algologie, et l'insomnie abaisse le seuil de la douleur. Induire le sommeil est donc un traitement symptomatique d'usage fréquent.
1 Pharmacologie
Plusieurs familles de molécules peuvent induire une sédation. Certaines plantes sont efficaces comme le pavot, la belladone et d'autres présentés en tisane sont largement utilisés en tant que placebos impurs comme la valériane, la passiflore, l’aubépine le tilleul. L'alcool est souvent consommé comme inducteur du sommeil mais c'est un hypnotique médiocre car s'il facilite l'endormissement, il fragmente le sommeil notamment au cours du sommeil paradoxal, et augmente les apnées du sommeil. Les barbituriques apparus en 1902 ont dominé la scène jusqu'à la venue des benzodiazépines. Ils ne doivent plus être indiqués dans l'insomnie. De même le méprobamate ou Equanil qui est situé entre les barbituriques et les BZD fut très prescrit dans les années 50 et sa prescription n'est plus justifiée. Les phénothiazines ont beaucoup été utilisées: Théralène, Phenergan. De même la plupart des antidépresseurs ont une action hypnotique remarquable.
Les BZD dominent la classe des hypnotiques officiels.
Deux nouvelles familles sont apparues : Zopiclone=Imovane et Zolpidem= Stilnox.
Pharmacodynamie : Les BZD sont des agents GABAergiques, le GABA inhibent les autres systèmes mono aminergiques noradrénaline, dopamine, sérotonine.
Pharmacocinétique : il est important de tenir compte de la durée d'action des hypnotiques et de leur demi-vie plasmatique. Mais les concentrations corticales sont toujours très supérieures aux concentrations plasmatiques. Ainsi les BZD ultracourtes sur le plan de la demi-vie plasmatique, peuvent avoir des effets résiduels diurnes. Les demi-vies longues et associations multiples sont à éviter chez les sujets âgés.
2 Thérapeutique
2-1 Principes de prescription :
Il faut obéir à une logique de progression. L'hygiène des rythmes de vie éventuellement associée à la prescription de placebos impurs peut entraîner un succès.
Puis débuter avec les molécules récentes Zopiclone et Zolpidem moins toxiques, moins addictives.
Poursuivre avec une BZD à demi-vie raisonnable comme Havlane, Noctamide.
Dans tous les cas il faut rechercher la dose minimale efficace.
L'interruption ou le sevrage de l'hypnotique pourrait être simple ou progressif.
Il faut informer le patient d'un éventuel effet rebond à l'arrêt du produit et du risque de dépendance.
Les effets secondaires :
-Effets sur la vigilance diurne. Un récent texte de loi fait obligation aux praticiens d'interdire ou de déconseiller fortement la conduite automobile aux personnes souffrant de somnolence. La responsabilité du médecin prescripteur de sédatifs est engagée.
-Effets paradoxaux : augmentation des cauchemars, et l'euphorie, instabilité psychomotrice voire Hypomanie ont été décrits avec de nombreuses BZD.
-Insomnie rebond : elle apparaît lors de la cessation du traitement durant les quatre nuits suivantes. L'insomnie s'accompagne d'une activité onirique riche avec cauchemars terrifiants même chez les sujets sains. Elle peut apparaître après seulement 3 nuits de traitement, la durée du traitement ne semble donc pas être un facteur déterminant de son apparition.
-Dépendance physique et syndrome de sevrage : les signes sont variés : nausées myalgies, anesthésie, le tremblement, sueur, insomnie, cauchemars, anxiété, agitation, vertiges, tristesse voire hallucinations, crises comitiales et confusion. Les symptômes de manque peuvent persister plusieurs mois mais semble moins marqué avec les deux molécules les plus récentes.
-Toxicomanie : certains hypnotiques comme le Rohypnol, Halcion peuvent s'impliquer dans un mésusage en association avec de l'alcool ou de la drogue,afin d'obtenir certains effets psychodysleptiques.
-Echappement : la perte d'efficacité des hypnotiques BZD est classique.
-Troubles mnésiques : c'est l'effet le plus controversé des BZD. L'amnésie antérograde peut s'accompagner d'une levée d'inhibition et amener des conduites médico-légales surtout avec les BZD courtes et ultracourtes comme Halcion.
-Durée de prescription : limiter à quatre semaines renouvelables.
-Altération de l'architecture du sommeil : ils sont constants car le sommeil procuré par les hypnotiques n'est jamais physiologique.
2-2 Aspects particuliers de la prescription :
Grossesse : Le risque tératogène des BZD n'est pas confirmé.
Mais le passage transplacentaire et dans le lait peut conduire à une sédation voir une hypotonie et parfois même des signes de sevrage chez le nouveau-né. On évitera donc la prescription de BZD au cours du premier trimestre, en fin de grossesse et en cours de lactation.
L'enfant : l'usage des hypnotiques doit rester prudent. L'utilisation fréquente de BZD au cours de l'enfance favorise la toxicomanie ultérieurement. L'insomnie chez l'enfant est le plus souvent réactionnelle à l'environnement socio-familial. L'insomnie chez l'enfant répond favorablement à la prescription d'hypnotiques aux parents !
Sujet âgé : l'élimination des hypnotiques est plus lente d'où l'augmentation du risque d'effets résiduels diurnes avec troubles cognitifs. La nécessité fréquente de se lever la nuit (prostate) peut amener des chutes et des traumatismes, des épisodes de confusion mentale. Chez les personnes âgées, il est préférable d’utiliser des BDZ de ½ vie courte comme Normisson, Havlane, Noctamide, Stilnox, Imovane.
3-Indications
L'insomnie réactionnelle est transitoire. La réglementation en France limite la prescription à quatre semaines.
En fait les sujets évaluent eux-mêmes leurs qualités de sommeil, l'insomnie est une plainte subjective parfois en contradiction avec les enregistrements polygraphiques de sommeil et qui montrent des nuits correctes voire normales.
L'autre indication plutôt controversée concerne le « jet lag ».
4-Contre indications
Le syndrome d'apnée du sommeil, SAS. 30 % des sujets âgés de plus de 65 ans auraient les critères objectifs du SAS sans avoir obligatoirement les symptômes. Mais certains sujets peuvent passer d'un stade paraclinique vers un stade pathologique lors de l'adjonction d'un hypnotique. Zopiclone et Zolpidem semble avoir prouvé leur innocuité.
Myasthénie, allergie connue, insuffisance respiratoire grave.
Contre indications relatives : sujets à risque de dépendance toxicomaniaque.
III - LES ANTIDEPRESSEURS OU THYMO-ANALEPTIQUES
Les troubles de l'humeur sont les troubles mentaux les plus fréquents ou se situent au troisième rang derrière les troubles phobiques et l'addiction alcoolique selon les études épidémiologiques.
La prévalence des épisodes dépressifs majeurs est variable selon les pays. La prévalence est basse en Asie mais beaucoup plus élevée aux USA. En France la prévalence est de l'ordre de 10 % chez les hommes et 20 à 25 % chez les femmes. Rappelons qu'au cours d'un épisode dépressif majeur il y a un risque élevé de suicide actuellement évalué à 12000 morts par an par suicide en France dont 6000 morts par an dues à la dépression. Notons que les 6000 autres suicides ne sont pas reliés à des épisodes dépressifs. La dépression est un réel enjeu de santé publique.
La dépression est une entité pathologique à part entière qui n'a rien à voir avec la tristesse ordinaire passagère consécutive à la survenue d'un événement délétère. Elle ne peut ou ne doit pas être confondue avec un mal-être transitoire, qui peut être éprouvé par chacun.
Les troubles dépressifs sont la quatrième cause mondiale génératrice de handicap se situant même avant les cardiopathies ischémiques. Les simulations prospectives réalisées sur les 20 prochaines années prédisent qu'en 2020 les troubles dépressifs pourront devenir la deuxième cause mondiale de handicap.
L'OMS chiffre à 340 millions d'individus dans le monde actuellement touché par des troubles dépressifs.
Diagnostic et la dépression :
Les patients qui ont une humeur diminuée souffrent d'une perte d'énergie et d'intérêt, d'un sentiment de culpabilité, de difficultés de concentration, d'une perte d'appétit et peuvent avoir des pensées de mort ou des idées de suicide.
De nombreuses études épidémiologiques ont mis en évidence la fréquence de quatre symptômes : l'insomnie, la fatigue, la perte d'intérêt, les difficultés de concentration.
La prise en charge médicamenteuse : à partir du moment où le diagnostic d'épisode dépressif majeur est établi, le traitement doit avoir pour objectif immédiat de soulager la souffrance psychique et physique du malade, limiter l'éventualité d'un risque suicidaire. Les antidépresseurs sont efficaces dans deux cas sur trois et il faut environ 3 mois pour évaluer l'efficacité d'un traitement ( J.Rush, American Journal of Psychiatrie 2006 163: 1905-1917). Le premier antidépresseur Tofranil, est utilisé depuis 1957.
Choisir un antidépresseur
1-La notion de délai d'action. En termes pharmacologiques, les antidépresseurs, comme tous xénobiotiques introduits dans un organisme vivant, agissent immédiatement ; en revanche, en termes cliniques, il existe un délai d'action quel que soit l'antidépresseur et quelle que soit la voie d'administration, ce délai est au minimum de deux à trois semaines voire beaucoup plus. On peut aller jusqu'à huit semaines. D'où la nécessité d'informer le patient afin d'obtenir une bonne observance du traitement.
La présence de symptômes surajoutés, par exemple un déficit émotionnel, il sera plus pertinent de prescrire un antidépresseur avec composante dopaminergique.
La présence de comorbidité va définir une hiérarchie et une temporalité des traitements.
2-Le choix de l'antidépresseur :
Dans les dépressions légères à modérée en ambulatoire, il est recommandé de choisir l'antidépresseur le mieux toléré, le moins dangereux et le plus simple à prescrire. Les IRS et les IRSNa sont généralement privilégiés en première intention dans cette indication tandis que les dépressions sévères font appel d'emblée aux imipraminiques au cours d'une hospitalisation.
L'approche neurobiologique fait référence à des dysfonctionnements aminergiques. La dépression n'est pas un déficit en noradrénaline ou en sérotonine exclusivement, mais probablement une modification de l'équilibre entre ces différents systèmes.
D'autres systèmes peptidergiques et facteur de croissance par exemple sont impliqués dans la rupture de l'homéostasie centrale provoquée par cette pathologie. Mais on peut émettre l'idée que certains patients peuvent présenter de manière prépondérante soit un déficit en noradrénaline, soit en sérotonine par exemple. D'où l'hypothèse que certains patients pourraient répondre mieux à un antidépresseur à tropisme monoaminergique plus spécifique.
L'ancienne classification des antidépresseurs doit être revue.
Tropismes principaux des molécules | Mécanismes d'action putatif | Famille | Nom de spécialité |
systèmes 5 HT NAD DA | enzymatiques | IMAO réversibles | Moclamine Humoryl |
| multiple | imipraminiques | Prothiaden |
| inhibiteurs de la capture de neuromédiateurs | IRS | Prozac Zoloft |
systèmes 5 HT NAD | multiples | imipraminiques | Laroxyl Anafranil |
| multiples | | Athymil Norset |
| inhibiteurs de la capture de 2 neuromédiateurs | | Effexor Ixel |
| inhibiteurs de la capture de neuromédiateur IRS Déroxat | IRS | Déroxat |
systèmes NAD DA inhibiteurs de la capture de 2 neuromédiateurs Zyban | systèmes NAD DA inhibiteurs de la capture de 2 neuromédiateurs Zyban | | Zyban |
système 5 HT inhibiteurs de la capture de neuromédiateur IRS Floxyfral Séropram | système 5 HT inhibiteurs de la capture de neuromédiateur IRS Floxyfral Séropram | IRS | Floxyfral Séropram |
| favorise et inhibe la capture de neuromédiateur Stablon | | Stablon |
système NAD inhibiteur de la capture de neuromédiateur imipraminiques Ludiomil | système NAD inhibiteur de la capture de neuromédiateur imipraminiques Ludiomil | imipraminiques | Ludiomil |
Dorénavant, il apparaît important de prendre en compte l'impact sur les systèmes neuronaux et aminergiques biochimiques, plutôt que de faire référence à une classe chimique.
Le choix de l'antidépresseur doit être orienté par la sémiologie de la dépression, par exemple selon la prédominance de l'anxiété ou de l'inhibition.
Les dépressions à caractéristiques endogènes (début brutal, un ralentissement psychomoteur majeur, anhédonie, anorexie, réveil précoce, aggravation matinale des troubles, parfois idées délirantes) représente une bonne indication des antidépresseurs imipraminiques.
Les dépressions atypiques avec une sémiologie à type d’ hyperphagie, hypersomnie, humeur qui reste réactive aux événements positifs, sensation de lourdeur dans les membres, grande sensibilité au rejet dans les relations interpersonnelles, peuvent faire préférer un antidépresseur IRS ou des IMAO réversibles.
3-Le choix de la posologie
L'adaptation de la posologie est une étape primordiale dans la prise en charge des troubles dépressifs et ne peut être optimum qu’après 1 à 2 mois en général après une augmentation progressive jusqu'aux doses efficaces. Souvent les problèmes de tolérance, sont dues à un surdosage de la posologie.
Une diminution de la posologie peut amener une meilleure réponse comme c'est le cas parfois avec les antidépresseurs IRS.
Chez les personnes âgées de plus de 65 ans la posologie initiale correspond à la moitié de la posologie habituellement recommandée. Selon les médicaments des adaptations sont à prévoir en cas d'insuffisance rénale ou hépatique et chez les métaboliseurs lents.
4-La durée de traitement :
Les recommandations actuelles indiquent une durée moyenne de traitement de six mois à l'issue d'un premier épisode dépressif. 12 mois en cas d'antécédents d'épisodes semblables. Deux à trois ans voire cinq ans dans le cas où le patient a présenté des épisodes dépressifs récurrents avec facteur de sévérité, antécédents familiaux, sociaux et âges.
5-Les effets secondaires liés aux antidépresseurs :
Deux problèmes majeurs concernent la létalité en cas d'absorptions volontaires massives et les complications cardio-vasculaires sur des populations à risque notamment avec les imipraminiques.
À très forte dose ou en association avec de l'alcool, certains antidépresseurs comme les IRS, les IMAO réversibles, Effexor, Norset, possèdent un potentiel de létalité.
Les molécules les plus concernées par les risques cardio-vasculaires à type d'HTA, insuffisance cardiaque, sont les imipraminiques. Les IRS peuvent aussi entraîner des troubles du rythme par allongement de l'espace QT.
L'hypotension artérielle est un effet indésirable induit par de nombreux antidépresseur. Il peut être gênant chez les sujets âgés. Certains antidépresseurs imipraminiques Defanyl, Ludiomil, et les IRS engendrent moins cet effet que d'autres antidépresseurs : Anafranil, Laroxyl, Tofranil. L'absence d'effets anticholinergiques fait préférer les IRS aux imipraminiques chez le sujet âgé.
Fonction sexuelle : presque tous les antidépresseurs entraînent une diminution de la libido, des troubles de l'érection ou une anorgasmie. Les molécules à tropisme sérotoninergique donneraient davantage d'effets sexuels indésirables que celles à tropisme noradrénergique. Le Déroxat est celui qui entraîne le plus d'effet sur la libido et le Norset et Athymil en entraîne moins.
D'autres effets secondaires sont décrits :
Les effets indésirables des A.D. tricycliques sont :
*les effets anticholinergiques centraux (confusion) ou périphériques (sécheresse de bouche, constipation, dysurie, troubles de 1'accomodation)
* les effets adrénolytiques centraux (sédation) ou périphériques (hypotension orthostatique)
* les effets neurologiques : tremblements, dysarthrie, risque de convulsions
* les effets cardiaques : tachycardie, anomalies de la conduction et de la repolarisation
* les effets sexuels: difficulté d'érection, retard à l'éjaculation, anorgasmie
* les effets hépatiques : hépatite observée avec le SURVECTOR
* et enfin des sueurs nocturnes, palpitations, prise de poids.
Les antidépresseurs non tricycliques et non IMAO sont très employés du fait de l'absence d'effets anticholinergiques et de cardiotoxicité.
6-Les contre-indications aux tricycliques :
* le glaucome chronique à angle fermé ou étroit
* l'adénome prostatique
* coronaropathie non stabilisée, troubles du rythme, troubles de conduction à type de bloc auriculo-ventriculaire BAV du troisième degré, IMC récent
* association au tramadol potentialise le risque épileptogène. Cet effet délétère peut être corrigé par le Rivotril à visée antalgique et anticomitiale.
Association avec les IMAO.
Les IMAO sont contre-indiqués en cas de :
-HTA non stabilisée
-antécédents d'AVC
-grossesse
-alimentation riche en tyramine comme les fromages fermentés, chocolat, hareng
-en association avec les tricycliques, les IRS et IRSNa, les vasoconstricteurs, la carbamazépine.
7-Les interactions médicamenteuses :
Certaines interactions sont recherchées comme l'association de lithium avec un imipraminique qui montre une synergie d'action et une potentialisation. D'autres associations concernent les hormones thyroïdiennes mais en fait aucune étude contrôlée ne permet de documenter l'intérêt de ces associations.
8-l'arrêts du traitement :
Les antidépresseurs doivent être arrêtés progressivement. Une diminution de posologie de moitié toutes les semaines, pendant quatre semaines avant l'arrêt total est préconisée hormis pour la Fluoxétine qui peut être arrêtée à la posologie de 20 mg par jour en raison de sa longue demi vie.
9-Action antalgique des antidépresseurs :
En Algologie, les antidépresseurs sont fréquemment utilisés dans le traitement d'états douloureux. Cette prescription se justifie par l'existence d'une psychalgie authentique, mais aussi par l'existence d'une pathologie dépressive réactionnelle à la douleur, dont la fréquence de survenue concernerait à peu près 50% des patients douloureux chroniques. Classiquement l'effet analgésique n'est pas observé avec tous les antidépresseurs; seuls certains tricycliques sont doués de cette propriété : LAROXYL/ELAVIL -ANAFRANIL-TOFRANIL, CYMBALTA?.
Les indications principales ont été constatées dans les lombalgies, les douleurs de déafférentation et les migraines.
En fait de nombreuses études se sont intéressées à l'action antalgique des antidépresseurs. En résumé, les tricycliques ont une action antalgique plus importante que les antidépresseurs IRSNA, qui sont eux-mêmes plus efficaces sur les douleurs que les antidépresseurs IRS (Fishbain 2000 et Thase 2001). Ainsi une étude ( Fava 2001) montre l'efficacité chez les patients dépressifs douloureux de la mirtazapine=Norset. De même chez les patients dépressifs douloureux, la venlafaxine s'avère plus efficace que les IRS (Thase 2001). Les IRSNA, à double potentiel aminergique, seraient efficaces sur les phénomènes douloureux avec des propriétés antalgiques indépendantes de l'action sur l'humeur dépressive. Avec les antidépresseurs tricycliques, le délai d'apparition de l'effet antalgique est de 3 à 7 jours. Il y a donc un décalage dans le temps entre l'action antalgique et l'action antidépressive. Deuxièmement, les tricycliques sont efficaces sur les douleurs à posologie plus faible que celle prescrite pour le traitement de la dépression.
Le mécanisme d'action antalgique concernerait les voies descendantes sérotoninergiques et noradrénergiques, alors que l'action antidépressive concernerait les voiesascendantes. Les études ont prouvé l'effet antalgique des traitements antidépresseurs tricycliques dans le cas de douleurs neuropathiques comme la neuropathie diabétique (Freeman 2005). La co-prescription de Laroxyl (versus placebo) permet de réduire de 46 % la posologie du traitement antalgique (Pheasant 1983). S'agit-il d'une action antalgique propre à la molécule ou d'une meilleure tolérance à la douleur ? la réponse reste incomplète.
Plus récemment l'action antalgique de la duloxétine, IRSNA, a été étudiée par Goldstein en 2003. Ce traitement prescrit pendant 12 semaines versus placebo dans le cadre de neuropathie diabétique a permis de diminuer la symptomatologie douloureuse dès la première semaine avec une posologie comprise entre 60 et 120 mg/j indépendamment de l'action sur l'humeur dépressive.
Mais il faut resituer dorénavant la médecine et la clinique dans un contexte mondialisé avec des enjeux macroéconomiques et des singularités continentales. Ce que j'appelle « la marchandisation des corps et la tribalisation des âmes ». L'expression sémiologique de la dépression est différente en Asie où elle s'exprime préférentiellement par la douleur physique. Les chinois verbalisent souvent l’état dépressif avec des symptômes et plaintes douloureuses somatoformes. Les Laboratoires pharmaceutiques souhaitent conquérir le marché chinois en pleine expansion et ils demandent l’AMM comme antalgique pour les nouveaux antidépresseurs, par exemple la duloxétine/Cymbalta de Lilly. Le Laboratoire Pierre Fabre avec le milnacipran/Ixel/Cypress veut s'implanter aux USA dans le traitement de la fibromyalgie.
IV - LES NEUROLEPTIQUES
4-1-Définition
L'histoire des neuroleptiques débute en 1950, lorsqu’Henri LABORIT à l'intuition que la chlorpromazine utilisée en anesthésie peut avoir un intérêt en psychiatrie. Les psychiatres DELAY et DENIKER l'utilisent chez des patients psychotiques et le Largactil est commercialisé en 1952. Neuroleptique signifie « qui saisit les nerfs ». L'apparition récente d'antipsychotiques est une évolution notamment sur les effets secondaires neurologiques. Notons que la littérature américaine ne fait pas de distinction et considère l'ensemble de ses produits sous le terme d'antipsychotiques typiques et atypiques.
Rappelons les critères de DELAY et DENIKER pour considérer qu'un médicament est neuroleptique.
1 - création d'un état d'indifférence psychomotrice
2 - diminution de l'agressivité et de l'agitation
3 - action réductrice des psychoses aiguës et chroniques
4 - effets secondaires neurologiques et neurovégétatifs
5 - action sous corticale prédominante
La définition des antipsychotiques est moins claire car il s'agit d'un regroupement hétérogène de quelques molécules récentes. On considère actuellement comme antipsychotiques la Clozapine (Léponex), la Risperidone (Risperdal), l'Olanzapine (Zyprexa), l'Amisulpride (Solian) et le plus récent Abilify.
4-2 Classifications :
Plusieurs classifications existent aucune ne s'est imposée.
Classification chimique :
Les phénothiazines à chaîne latérale aliphatique : chlorpromazine (Largactil), les levomepromazine (Nozinan), cyamémazine (Tercian), alimémazine (Théralène).
Les phénothiazines pipéridinées : Piportil, Neuleptil.
Les phénothiazines pipérazinées : Moditen, Modécate.
Les Butyrophénones : Haldol, Dipipéron, Semap et Droleptan
Les Thioxanthènes : Fluanxol, Clopixol.
Les Benzamides : Solian, Dogmatil, Tiapridal.
Les Dibenzodiazépines : Orap, Léponex.
Les autres produits : Risperdal, Zyprexa, Abilify.
La classification neurobiochimique : l'ensemble de ses produits provoque un blocage antagoniste des récepteurs centraux à la dopamine de type D2, sauf Abilify qui est un agoniste partiel. Mais ces médicaments interagissent aussi avec d'autres systèmes de neuromédiateurs cérébraux notamment anticholinergiques, adrénolytiques, et antihistaminiques. Une des particularités à retenir est que l’Haldol est le seul neuroleptique dépourvu d'action anticholinergique.
La classification selon l'effet clinique : la classification de Lambert répartit les neuroleptiques sur un axe entre un pôle « sédatif » et un pôle « incisif » ou anti-productif.
4-4 Effets thérapeutiques des neuroleptiques et des antipsychotiques.
Effet sédatif : la sédation est le premier effet connu et exploité des neuroleptiques. Elle a révolutionné la prise en charge des états d'excitation d'agitation de toutes origines qu’il s'agisse d'une agitation délirante, d'un état maniaque, ou d'un syndrome confusionnel, ou de tous troubles psychiatriques ou organiques nécessitant une sédation rapide.
Les phénothiazines sont particulièrement sédatives à posologie élevée. Elles permettent un soulagement anxiolytique sur l'angoisse psychotique, mais elles posent le problème d’effet hypotenseur marquée. Le Tiapridal est plus maniable.
Effet antipsychotique : on l'appelle encore anti-productif sur une symptomatologie de type délirant ou hallucinatoire. Elle permet la réduction, voir la critique des troubles et en conséquence la disparition des troubles du comportement associés au délire ou aux hallucinations. Mais ce retour à une meilleure intégration dans la réalité peut entraîner une prise de conscience douloureuse de la pathologie et entraîner un syndrome dépressif avec risque suicidaire.
Effet antidéficitaire : le patient sort progressivement de l'état de mutisme, et d'apragmatisme ou repli autistique, retrait social et affectif, anhédonie. Ces effets antidéficitaires sont plus marqués avec les antipsychotiques.
Effets propres aux antipsychotiques : les neuroleptiques atypiques possèdent les propriétés antidélirante et antidéficitaire des neuroleptiques classiques. L'efficacité antidéficitaire est un de leurs principaux avantages. Certains travaux récents font également état de la potentialité antidépressive des antipsychotiques et en tout cas, de l'absence des effets dépressiogènes parfois attribués aux neuroleptiques, notamment le Nozinan ou l'Haldol. Enfin une amélioration des fonctions cognitives (mémoire, attention, concentration, apprentissages) est constatée. Une étude très récente (2007) montre l'efficacité de l'association antidépresseur + Risperdal dans les dépressions résistantes
Effet antalgique ? Notre pratique algologique au CHU de Montpellier conduit à un emploi très fréquent d’antipsychotique à visée antalgique surtout la risperidone (Risperdal): cette molécule nous donne des résultats surprenants et interessants dans le traitement de la douleur chronique, à dose filée de 0,5-1 mg/jour sur le long cours.
4-5 Pharmacologie
Pharmacodynamie : ils ont une action antagoniste ou inhibitrice sur les récepteurs D2 post-synaptiques à la dopamine. Ces récepteurs D2 sont présents au niveau mésocorticolimbique et sont retrouvés également au niveau du striatum et de l'hypophyse, ce qui explique les effets secondaires extrapyramidaux et endocriniens.
Les antipsychotiques agissent de manière sensiblement différente, par exemple par effet indirect sur la dopamine via les systèmes sérotoninergiques 5HT2a.
Pharmacocinétique : principalement résorbés au niveau de l'intestin grêle, les neuroleptiques ont des demi-vies d'élimination variant de quelques heures à quelques jours, jusqu'à 30 jours pour Haldol Décanoas. La fixation dans les tissus liposolubles est forte et le neuroleptique peut être retrouvé longtemps après une prise unique. La barrière foeto-placentaire est facilement franchie mais le passage dans le lait maternel est faible.
Effets indésirables :
Les effets indésirables psychiques
Le syndrome d'indifférence psychomotrice consiste en un état de passivité, asthénie et désintérêt, et peut être amélioré par une réduction de la posologie.
La somnolence. Elle peut dépendre de la posologie et du choix de la molécule.
Les accès d'angoisse et réactivation délirante : ils peuvent survenir en cas de traitement trop désinhibiteur.
Le syndrome dépressif : les études sont contradictoires car les neuroleptiques pourraient avoir un effet protecteur contre la dépression.
L'accès confuso-onirique : plutôt chez les sujets âgés et avec des molécules ayant une forte action anticholinergique.
Les effets indésirables neurologiques
Les effets extrapyramidaux sont rares avec les antipsychotiques. Le syndrome extra pyramidal est dose dépendant et survient plutôt à posologie élevée. Il peut s'agir de dyskinésies aiguës souvent spectaculaires et angoissantes pour le malade.
Les syndromes parkinsoniens se caractérisent par une akinésie avec aspect figé, tremblement de repos et d'action, hypertonie musculaire avec le signe de la roue dentée, perte de balancement du bras à la marche, réflexe naso-palpébral inépuisable.
L'akathisie : c'est l'incapacité à maintenir une position stable.
Les dyskinésies tardives ont souvent une composante bucco-linguo-masticatoire, et parfois le syndrome du lapin (tremblement rapide de la région labiale). Ces dyskinésies ont des conséquences sur les relations sociales et sont très difficiles à soigner. Elles seraient plus fréquentes chez les femmes et les sujets âgés.
Les crises d'épilepsie sont exceptionnelles mais la plupart des neuroleptiques et antipsychotiques abaissent le seuil épileptogène avec une mention particulière pour la Clozapine.
Autres effets indésirables
L’hypotension artérielle orthostatique est liée aux effets adrénolytiques et donc plus fréquente avec les phénothiazines. Elle peut se corriger avec DHE, Heptamyl ou du sel.
Les effets anticholinergiques comme la sécheresse de bouche, qui est corrigée par Aequasyal en pulvérisation buccale, une mydriase, une constipation, une dysurie.
Hyperthermie : elle est fréquente et sans lien avec le tableau du syndrome malin.
Troubles de l'activité sexuelle : baisse de libido, anorgasmie.
Hyperprolactinémie : elle est liée aux effets dopaminergiques des neuroleptiques au niveau de l'hypophyse et il faut rechercher une dysménorrhée voir un syndrome aménorrhée galactorrhée et chez l'homme une gynécomastie. On la rencontre plus souvent avec certains produits récents comme le Zyprexa.
La prise de poids : comment maigrir? Quels sont les médicaments pour maigrir?
Deux récepteurs sont en jeu: 5HT2C et H1. Si une molécule bloque ces 2 récepteurs -effet anti5HT2C et antiH1- elle entraine souvent une augmentation de l'appétit. Si nous approfondissons le sujet, le récepteur de la satiété est le 5HT2C, le récepteur de la sédation est H1. Le récepteur 5HT2C, récepteur de l'appétit, pose problème à l'humanité du 21ème siècle...
En pratique les molécules sédatives agissent souvent sur les 2 récepteurs: citons ATARAX, LAROXYL, NORSET, TERCIAN, NOZINAN, ZYPREXA, RISPERDAL. Toutes ces molécules sont sédatives et peuvent augmenter l'appétit, par conséquence elles peuvent faire grossir. Certains neuroleptiques bloquent donc l’interrupteur de la satiété. Cet interrupteur nous dit, par exemple à la fin d'un repas, que nous n'avons plus faim. Zé plu fin! Mais, avec les médicaments cités, l'interrupteur se grippe en position OFF. Il n'y a plus la sensation de satiété. J'ai toujours faim. Donc je mange. Toujours et sans fin. La prise de poids est donc fréquente et survient préférentiellement en début de traitement. Elle est réversible à l'arrêt. Elle peut être dose dépendante avec le RISPERDAL mais plus fréquente avec les benzamides ou le ZYPREXA. Dans certains cas, cette prise de poids surtout chez les femmes peut être à l'origine d'une mauvaise observance, voire d'un rejet du traitement.
Comment traiter ce problème? De manière empirique, certains prescripteurs utilisent AZANTAC ou NYZAXID à 300 mg/jour; c'est une molécule antiH2. Donc pas antiH1...et encore moins 5HT2C! Alors comment et pourquoi ça marche? Mystère et boule de gomme! Mais la molécule "miraculeusement" corrigerait l’effet orexigène (orexigène ="qui ouvre l'appétit") du ZYPREXA. En pratique, les antiH2 ne corrigent rien et ne traitent rien.
Citons également l'utilisation -totalement hors AMM- de l'EPITOMAX (topiramate) à 100 mg/jour: l'effet secondaire coupe-faim est fréquent; là encore certains prescripteurs associent le topiramate avec la fluoxétine (PROZAC) pour maigrir, pensant aller vers le Saint Graal de la défervescence pondérale. Le topiramate est un bon médicament dans la douleur neuropathique et la migraine. Par contre quelques études montrent que non seulement il n'est pas un bon thymorégulateur, mais qu'il peut être dépressiogène, c'est à dire entrainer de la dépression. D'où le raisonnement de l'associer à la fluoxétine. L' AFSSAPS rappelle que l' Epitomax a d'autres effets secondaires qui peuvent être graves. Parmi ces effets graves, il faut noter les risques au niveau rénal, oculaire ou métabolique. De plus, l'Epitomax® diminuerait l'efficacité de la contraception oestro-progestative chez la femme et, lors d'une grossesse, exposerait le fœtus à des malformations.
Un autre antiépileptique en prescription hors-AMM, le ZONEGRAN (zonisamide), à une posologie de 400 mg/jour, montre un effet réel sur la perte de poids; l'effet est augmenté et potentialisé s'il est associé au ZYBAN (bupropion) antidépresseur dopaminergique utilisé dans le sevrage tabagique.
Les études montrent que l'olanzapine, la clozapine et la rispéridone sont les neuroleptiques atypiques qui entrainent le plus une prise de poids. A l'autre extrémité, l'amisulpride (SOLIAN) et l'aripiprazole (ABILIFY) n'entrainent pratiquement pas de prise de poids. Enfin certains évoquent la possibilité d'un effet direct des neuroleptiques atypiques, qui entraineraient une résistance à l'insuline, donc une tendance diabétique et une prise de poids.
Au final actuellement 4 molécules sont actuellement évoquées comme pouvant réduire le poids: la Fluoxétine mais la perte de poids est de courte durée (6 mois) avec reprise du poids antérieur au bout d'un an, le Bupropion mais sa prescription ne peut dépasser 3 mois car il peut entrainer une addiction, l'Aripiprazole seul ou associé à la rispéridone, et enfin la Metformine, qui serait soit-disant le plus efficace, mais avec un risque d'acido-cétose.
Pour conclure ce paragraphe sur la perte de poids et la liste des médicaments prescris hors AMM et utilisés souterrainement, nous voulons souligner et renouveler les réserves de l' AFSSAPS sur l'utilisation hors AMM de certains médicaments. Nous ne les prescrivons pas et nous déconseillons leurs prescriptions. S'il existe une pression de l'industrie pharmaceutique, s'il existe une pression sociale de la part des patients pour perdre du poids, le médecin doit garder à l'esprit la réflexion bénéfices/risques et ne pas répondre aux sirènes des uns ou des autres.
Incidents et accidents
L'allongement de l'espace QT peut avoir potentiellement des conséquences graves à type de torsades de pointe. Ce risque est accru par la prise simultanée de plusieurs neuroleptiques.
Les problèmes cutanés et oculaires : c'est le risque de photosensibilisation avec coloration mauve du visage en aile de papillon. Crème solaire et chapeau sont indiqués en saison chaude. Des dépôts pigmentaires cristalliniens, cornéens et rétiniens ont été rapportés.
Des effets hématologiques : une discrète leucopénie est fréquente et ne doit pas faire interrompre le traitement. Des cas d’agranulocytose gravissime restent exceptionnels mais la Clozapine expose à un danger de granulocytopénie sévère évalué à 1 à 2 %.
Les accidents digestifs peuvent être soit des occlusions par atonie intestinale, soit des hépatites toxiques.
Le syndrome malin est rare, moins de 0,5 %. Il se caractérise un par un tableau associant hyperthermie sans cause, sueurs, pâleur, hypertonie extra pyramidale, hébétude, déshydratation, hypotension, tachycardie.
4-6 Modalités d'emploi
Les indications psychiatriques classiques :
Ce sont tous les états psychotiques aigus ou chroniques.
Parmi les psychoses chroniques, la schizophrénie est la pathologie ou l'effet des neuroleptiques et antipsychotiques est le plus constant.
Les psychoses hallucinatoires chroniques sont également une bonne indication.
Les délires paranoïaques restent peu ou pas accessibles à cette chimiothérapie. Toutefois le traitement permet d'obtenir une relative mise à distance du délire et contribue à limiter le risque de passage à l'acte.
Les bouffées délirantes aiguës sont aussi une bonne indication.
Les phases aiguës de la psychose maniaco-dépressive : pour calmer l'agitation maniaque les neuroleptiques peuvent être utilisés en association avec les sels de lithium ou l'acide valproïque (Dépakote). Mais aussi pour limiter le risque de passage à l'acte suicidaire dans les phases mélancoliques. L’utilisation en traitement de fond au long cours des antipsychotiques comme thymorégulateur de l’humeur, est plus discutée.
Les autres indications :
L’agitation et l'agressivité sont sensibles aux Tiapridal et aux phénothiazines comme dans certains tableaux de troubles du comportement accompagnant des états de démence. Ainsi l’utilisation du Zyprexa à 2,5 mg/jour – ½ comprimé de 5 mg vélotab- est courante pour le traitement des troubles du comportement dans la démence.
L'angoisse majeure et l'insomnie rebelle justifient l'emploi des phénothiazines qui n'entraînent pas de pharmacodépendance comparable à celle des benzodiazépines mais entraîne le risque de dyskinésies tardives.
Les TOC sont traités par Neuleptil.
Les manifestations psychosomatiques sont traitées par Dogmatil.
Certaines algies rebelles, des nausées et vomissements, hoquet rebelle.
Trouble délirant ou hallucinatoire au cours de la maladie de Parkinson.
Mise en place du traitement :
Le traitement est généralement débuté en milieu hospitalier. La monothérapie doit être la règle. Par sa simplicité elle favorise l'observance et elle permet une évaluation rigoureuse de la tolérance et de l'efficacité. Il faut un délai de trois semaines à dose constante pour juger de l'efficacité d'un traitement et envisager une éventuelle modification de celui-ci.
Conclusion : Les neuroleptiques ont révolutionné la prise en charge et le pronostic des psychoses. Les antipsychotiques sont de plus en plus fréquemment utilisés en algologie de manière empirique. Ils peuvent agir sur la composante anxieuse de pathologie de type état limite, fréquemment rencontrée dans la population douloureuse chronique. Peut-être agissent-ils aussi pour certains d'entre eux comme antalgique vrai, comparables en cela aux tricycliques et leur indication dans les douleurs neurologiques de déafférentation. Notre expérience empirique ne nous permet pas de trancher entre ces deux hypothèses. Seules des études ultérieures pourront le démontrer de manière plus fine.
V - LES NORMOTHYMIQUES
Les médicaments normothymiques encore appelés régulateurs de l'humeur, thymo-régulateurs, « mood stabilisers » dans la littérature américaine, constituent le traitement prophylactique des troubles bipolaires.
Le psychiatre allemand Kraepelin avait défini la psychose maniaco-dépressive au XIXe siècle. La nosographie contemporaine a élargi les concepts de maladie bipolaire, et la prévalence en population générale s'établit à plus de 5 %.
Les normothymiques ont tous également une action curative des accès aigus de type maniaque.
1-Les sels de lithium
Le lithium existe à l'état naturel, c'est un métal rare aux utilisations industrielles multiples (piles). Dès la fin du XIXe siècle son utilité dans le traitement de la dépression est repérée. Pendant la seconde guerre mondiale un psychiatre australien met en évidence sa propriété antimaniaque. Mais la toxicité du lithium notamment cardiaque ne permettait pas son emploi. Les travaux du danois SCHOU dans les années 60 sont décisifs par la mise au point d'une technique de dosage des concentrations plasmatiques de lithium et la détermination de la fourchette thérapeutique.
Les sels de lithium ont été utilisés en Algologie, mais leur maniement (lithiémie) et la surveillance en ont réduit la prescription.
1-1 Pharmacologie :
Le lithium a un effet stabilisateur de membrane notamment neuronale. De plus il a un effet direct sur le système des seconds messagers et diminue là encore l'excitabilité neuronale. Enfin il stimule le système sérotoninergique.
La demi-vie d'élimination est de l'ordre d'une vingtaine d'heures mais augmente avec l'âge.
1-2 Indications :
Le traitement prophylactique de la maladie bipolaire.
Le traitement des états maniaques francs avec euphorie et expansivité. Les accès maniaques mixtes ou dysphorique avec irritabilité ou délire répondent moins bien au lithium. Le délai d'action est de trois semaines.
Le lithium utilisé à visée préventive entraîne un allongement des cycles et une augmentation de la durée des intervalles libres entre 2 épisodes successifs, une diminution de l'intensité de la symptomatologie si une décompensation survient en dépit du traitement.
D'autres indications ont été proposées comme dans les épisodes dépressifs récurrents et dans les dépressions résistantes, le lithium potentialiserai un traitement antidépresseur.
Dans les schizophrénies dysthymiques.
Dans les douleurs chroniques.
1-3 Contre indications :
Les contre-indications absolues
Insuffisance rénale.
Insuffisance cardiaque.
Hyponatrémie : y penser lors d'un traitement par antidépresseur IRS chez les sujets âgés.
Premier trimestre de la grossesse.
Les contre-indications relatives.
Hypothyroïdie
Épilepsie
Affections rénale ou cardiaque modérées
1-4 Pratiques thérapeutiques :
Bilan préalable :
Créatinine plasmatique, TSH, ionogramme, glycémie, protéinurie et glycosurie
Après 50 ans, un ECG.
Le lithium est prescrit à posologie croissante par paliers de 100 à 200 mg, en fonction du dosage de la lithiémie plasmatique. Un délai d'au moins 5 jours entre 2 lithiémie est nécessaire. La concentration plasmatique doit s'établir dans une fourchette de 0,6-1 mmole par litre.
La surveillance sera clinique et biologique. L'effet normothymique est parfois mal accepté par les patients qui gardent une réelle nostalgie de leur fonctionnement hypomaniaque.
Effets indésirables : nausées, diarrhée, douleur épigastrique sont fréquents en début de traitement. Tremblement fin des extrémités, sensation d'instabilité, faiblesse musculaire voire somnolence. Le tremblement peut persister au long cours et se traiter par bêtabloquant. Un syndrome polyuro-polydipsique est fréquent.
Le lithium a une activité antithyroïdienne réversible en raison d'interférence avec l'ion iode. Une hypothyroïdie peut se développer, favorisée par l'association lithium et phénothiazines.
Hyperglycémie car le lithium a une activité insuline-like, qui peut entraîner une prise de poids.
Aggravation d'un psoriasis, chute de cheveux.
Signes annonciateurs d'un surdosage : asthénie, apathie, faiblesse musculaire, nausées, vomissements et diarrhée, troubles cognitifs avec baisse de la concentration, vertiges, troubles de la vision, augmentation du tremblement, jusqu'à un syndrome confusionnel avec syndrome cérébelleux et mouvements choréo-athétosiques. Au stade ultime, un coma puis une mort par collapsus cardio-vasculaire.
La surveillance biologique comprend des lithiémies régulières trimestrielles ou semestrielles quand l'état est bien stabilisé.
Les effets délétères du lithium sur la fonction rénale et la fonction thyroïdienne imposent de pratiquer une fois par an une créatinine plasmatique et TSH. Le lithium est surtout toxique pour le tubule rénal, lésion irréversible, dont les premiers signes du diabète insipide néphrogénique sont une polyurie-polydypsie.
Interactions médicamenteuses :
Le régime désodé, les diurétiques sont interdits
Les AINS peuvent entraîner une augmentation de la lithiémie par diminution de la filtration glomérulaire.
Un risque de syndrome sérotoninergique par l'action sérotoninergique du lithium lors d'association avec les antidépresseurs. Le syndrome sérotoninergique entraîne les signes suivants : agitation, confusion, myoclonies, frissons et hyperthermies, troubles digestifs.
Association avec les neuroleptiques et les autres thymo-régulateurs doivent être surveillés.
2-Carbamazépine
La carbamazépine est un tricyclique apparenté aux antidépresseurs imipraminiques.
Ses propriétés antalgiques dans la névralgie du trijumeau et ses propriétés antiépileptiques en particulier dans l'épilepsie temporale, sont bien connues.
Dans les années 80, ses propriétés normothymique sont identifiées.
2-1 Pharmacologie :
La carbamazépine agit par ses propriétés GABAergiques. Elle possède aussi un effet inhibiteur de la recapture de la noradrénaline. La demi-vie d'élimination est comprise entre 24 et 36 heures.
2-2 Indications :
Activité antimaniaque curative
Action régulatrice de l'humeur surtout dans les épisodes de manie dysphorique, à cycle rapide, ou des états mixtes.
2-3 Contre-indications :
Composé de structure tricyclique, la carbamazépine partage les mêmes contre-indications que les imipraminiques : adénome prostatique, glaucome à angle fermé, troubles du rythme et de la conduction cardiaque. Mais cette molécule a également des effets hématologiques, et une toxicité hépatique. L'effet tératogène est évoqué mais sans conclusion formelle. Cependant cette molécule a été mise en relation avec une augmentation des malformations du tube neural de type spina bifida.
2-4 Pratique thérapeutique :
Bilan préalable : ECG, transaminases, NFS.
L'instauration se fait à doses progressives avec augmentation de la posologie tous les 2 à 5 jours.
Les effets secondaires : ils sont fréquents en début de traitement et analogues aux imipraminiques, essentiellement syndrome anticholinergique avec constipation, bouche sèche, troubles de l'accommodation. Chez le sujet âgé les effets anticholinergiques peuvent entraîner un syndrome confusionnel.
Prurit et réactions cutanées allergiques
Infection ORL révélatrice d'une atteinte hématologique médullaire de la lignée blanche
La surveillance au long cours sera axée sur une NFS et les transaminases chaque semestre.
Les interactions médicamenteuses : principalement la carbamazépine est un puissant inducteur enzymatique et peut réduire les concentrations sanguines des anti-vitamines K, et des contraceptifs oraux.
3-Acide valproïque et ses dérivés
Dépakine, Dépamide, Dépakote.
3-1 Pharmacologie :
L’acide valproïque à une action GABAergiques. Il est très lipophile et une demi-vie d'élimination d'une quinzaine d'heures.
3-2 Indications :
Action curative des accès maniaques
Prévention des rechutes maniaco-dépressives à des posologies de 600 à 1200 mg par jour.
Troubles du comportement avec impulsivité et agressivité.
L'action thymo-régulatrice est surtout efficace dans la prévention des épisodes maniaques et dans les états mixtes ou à cycle rapide comme pour la carbamazépine.
3-3 Contre-indications :
Atteinte hépatique aiguë ou chronique.
Effet tératogène notamment sur la fermeture du tube neural.
3-4 Pratique thérapeutique :
Bilan préalable : transaminases.
La surveillance du traitement est essentiellement clinique avec une surveillance biologique centrée sur la tolérance hépatique.
Les effets secondaires sont souvent une asthénie, somnolence, nausées et gastralgies, prise de poids.
L'acide valproïque peut potentialiser la plupart des psychotropes.
Le champ des thymo-régulateurs est temps en train actuellement de s'élargir avec des travaux en cours sur Lamictal, Neurontin, Lyrica, aux propriétés antiépileptiques et antalgiques connues, mais aussi les antipsychotiques avec le Zyprexa et Risperdal qui ont déjà l'AMM comme antimaniaques. Une récente méta-analyse de l’Epitomax, antiépileptique utilisé dans la migraine et également actif sur les douleurs neuropathiques, a conclut à l’absence d’effet thymorégulateur. Cependant l'Epitomax peut avoir un effet dépressiogène.
Conclusion : une revue des médicaments psychotropes ne peut passer sous silence des aspects de santé publique, notamment la consommation en France qui est la plus élevée de tous les pays occidentaux. De nombreuses hypothèses ont été faite évoquant l'accès aux soins, le prix du médicament, les éléments socioculturels, voire familiaux puisqu'il est montré par exemple que la consommation de psychotropes de la mère influe de manière significative sur la consommation des enfants. Depuis 15 ans, l'information des médecins et l'encadrement des prescriptions ont permis de réduire les prescriptions de benzodiazépines. Mais dans le même temps on assiste à l'accroissement des prescriptions d'antidépresseurs, surtout les IRS. Pourtant il y aurait de nombreux sujets déprimés ne bénéficiant pas de traitement pourtant efficace. Des questions restent donc à résoudre notamment concernant la durée des traitements, souvent trop longue pour les BZD et trop brève pour les antidépresseurs.
Référence bibliographique :
Prescription des psychotropes, collection APNET, Editions MALOINE, Paris, avril 2005.