Dernière mise à jour de la page: 3 juillet 2009 LES MÉDICAMENTS DANS LES TROUBLES DE LA PERSONNALITÉ: QU’EN ATTENDRE ? Pr Jean-Philippe BOULENGER Professeur des Universités Faculté de médecine de Montpellier CHU MONTPELLIER
Avant de faire la revue de la littérature sur cette question, le Pr BOULENGER rappelle quelques éléments « historique » de réflexion et d’étude de l’action possible de certains médicaments sur les troubles de la personnalité. Ainsi, l’action des antidépresseurs sur d’autres troubles que dépressifs, comme les troubles anxieux par exemple, est un sujet étudié de longue date. Dans les années 1990, Tyrer parlait alors d’effet « anti-névrotique », insistant sur l’action de ces médicaments sur différents syndromes, comme les troubles anxieux, la dépression et aussi la douleur. Des données scientifiques ont aussi mis en évidence l’intérêt des antidépresseurs IMAO dans les dépressions dites « atypiques » et particulièrement sur la « sensibilité au rejet ». Cette notion empirique avait servi de base théorique à l’utilisation de ces antidépresseurs dans ce que l’on appelait alors la « dysphorie hystéroïde », trouble qui possède certaines similarités avec le trouble de personnalité de type borderline des classifications actuelles. L’utilisation de ces antidépresseurs avait ensuite été étendue à la phobie sociale, en montrant alors une efficacité certaine. Dernière note historique : Lors des premiers essais randomisés de l’utilisation des psychotropes chez les patients Borderline, on s’est rapidement rendu compte de l’action paradoxale des Benzodiazépines, avec agressivité, désinhibition et impulsivité. D’autres études plus récentes confortent ces résultats. Il n’y a aucune Indication d'AMM pour des psychotropes dans les troubles de personnalité en France ou aux Etats-Unis. Les recommandations issues de la fédération mondiale des sociétés de psychiatrie biologique en 2007 sont claires: « à l’exception de la phobie sociale (personnalité évitante), il n’y a pas d’indication officielle pour l’utilisation des psychotropes dans les troubles de la personnalité ». Les guidelines de l’American Psychiatric Association de 2001 et 2005 les évoquent en « traitement symptomatique d’appoint des psychothérapies »Enfin, une revue Cochrane en 2006 ne met pas en évidence de «preuve d’efficacité » des traitements psychotropes dans les troubles de la personnalité. Pourquoi une telle inefficacité et l’absence d’AMM ? Et en dehors de ces recommandations officielles, quelles pratiques ? Une revue récente de la littérature faite par Conor DUGGAN ne retrouve que 35 essais cliniques contre placebo dans le trouble de personnalité de type Borderline et antisociale. Concernant le niveau « d’évidence scientifique » (Evidence Based Medecine), on retrouve des niveaux de preuve relativement faibles pour les différentes classes thérapeutiques. Seuls les ISRS atteignent un niveau de preuve A dans le trouble de personnalité évitante. Ces résultats scientifiques très faibles sont à mettre en parallèle avec les ,difficultés de réalisation de ces études : très nombreuses sorties d’essais, durée d’évaluation insuffisante, contrôle insuffisant des comorbidités (présentes à plus de 50% dans le trouble de personnalité Borderline) notamment de la dépression dans le Syndrome de Stress Post Traumatique (SSPT), en effet, l’amélioration sous antidépresseurs d’un patient souffrant d’un SSPT et d’une dépression ne préjuge pas de l’efficacité de l’antidépresseur dans le SSPT seul. Il y a cependant une large utilisation des psychotropes dans les troubles de la personnalité, avec la définition empirique de symptômes cibles, notamment chez les Borderline. Pour chacune des dimensions cliniques, les données issues de la littérature sont peu importantes, mais on retrouve cependant un certain consensus : sur les symptômes de déséquilibre émotionnel, on retrouve une certaine efficacité de plusieurs classes thérapeutique : les antidépresseurs ISRS, les Neuroleptiques atypiques, le Valproate et les anticonvulsivants type lamotrigine et topiramate semblent relativement efficaces. Les antidépresseurs IMAO seront prescrits en seconde intention. On retrouve un profil quasi identique sur les symptômes comportementaux d’impulsivité. Les expériences animales mettent en évidence le rôle de la sérotonine dans les conduites impulsives d’où l’intérêt probable des antidépresseurs sérotoninergiques. On retrouve des études retrouvant un effet modeste de l’adjonction d’olanzapine à un traitement par thérapie cognitivo-comportementale, ou encore un effet modéré de la fluoxetine. Enfin, d’autres essais mettent en évidence une possible action des omegas 3, de la clonidine ou de la naltrexone. Le professeur Boulenger conclut sur l’importance du repérage et du traitement des comorbidités, avec une stratégie séquentielle du traitement à court terme. Et sur le long terme, sur l’importance de l’approche « dimensionnelle » qui devrait se développer dans les prochaines années, avec la nécessité d’études contrôlées sur un nombre plus important de sujets.
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